Esbatement moral des animaux - 1578 Esbat[e]ment Moral des Animaux. Antwerpen, 1578

Transcriptie o.b.v. ex. Bibliothèque Nationale de France, in gelijktijdige vergelijking met Ursicula

Dit digitale bestand is gemaakt door Dirk Geirnaert (Instituut voor de Nederlandse Taal / Universiteit Leiden), in het kader van het NWO-project Aesopian Fables 1500-2010: Word, Image, Education. Voor dit project werden ook transcripties gemaakt van Eduard de Dene, De warachtighe fabulen der dieren (Brugge, 1567), Etienne Perret, XXV Fables des Animaux (Antwerpen, 1578), Etienne Perret, XXV Fables des Animaux (Delft, 1618) en Anthoni Smyters, Esopus fabelen (Rotterdam, 1612).

- Het lettermerk is bovenaan de pagina geplaatst, tussen rechte haken;
- het nummer van de fabel is in deze transcriptie bovenaan de linkerpagina (met de tekst) geplaatst, onder het lettermerk;
- de illustratie bij elke fabel is vervangen door de aanduiding {ill};
- onder de illustraties staan bijbelcitaten; deze bijbelcitaten bestaan uit het bijbelvers (tussen <bv></bv>) en de bijbeltekst (tussen <bt></bt>);
- de eerste regel van elke strofe van de sonnetten springt in; in deze transcriptie is in plaats daarvan gekozen voor een extra harde return;
- afkortingen staan tussen <abb></abb>.
Continue

[A1r]
ESBATIMENT MORAL, DES ANIMAUX.

{ill}

<bt>Louez le Seigneur vous qui estes de la terre, dragons & tous abysmes. Bestes, & tous troupeaux, serpens, & oyseaux qui ont ailes.</bt> <bv>Psal. 148.7.10.</bv>

A ANVERS.
Chez Philippe Galle.


[A2r]
A TRESNOBLE SEIGNEVR CHARLES, de Croy, Prince de Chimay, Baron de Rotselaer, de Quieurain & c.

COnsiderant, tresillustre & genereux Prince, que Philippe Galle auoit intention de m’enuoyer vers vostre Excellence, pour m’exposer en lumiere souz les ailes & garant de vostre Seigneurie, vne honte craintiue se vint mettre au deuant de moy, me suadant de ne marcher plus outre: tant pour n’estre entierement nouueau, à cause que i’ay desia esté veu en partie des Flamengs, comme aussi pource qu’a vostre Excel. (estant Prince Chrestien) il semble estre plus co<abb>n</abb>uenable d’estudier en L’Euangile, qu’en moy: Mais ledit Galle apperceuant ma vergoigne fuytiue, me dit que ie marchasse hardiment, & sans aucune doute, comme estant tout nouueau en la langue Françoise, & que ie n’auoy pas encore esté veu en telle forte: Mesme que ie suis de beaucoup de tiltres excellens, de plusieurs nouuelles Figures (auec amendement & embellissement des precedentes) & diuers passages de l’Escriture sainte, accommodés aux Figures & Sonets, si bien changé & orné, que le lustre que i’ay à present, surpasse de beaucoup celuy que i’auoy au parauant. Voire que la viue verité mesme vse de moy, par tout son Euangile, en saintes similitudes, & graues paraboles: & que pourtant ie ne deuoy, dit il, craindre ny estre honteux de m’addresser à vostre Exce. estant ledit Philippe bien seur (comme il me desoit aussi) que pour l’honneste et louable plaisir que vostre Ex. prend en toutes bonnes sciences, ie seroye aggreable aux yeux d’icelle.
M’asseurant donc sur ses parolles i’ay pris humble hardiesse de me venir presenter deuant vostre Excel. A la bonne grace de laquelle, Galle mon nourricier, aussi bien que moy, auec toute deué Recommandation s’offre entierement. Esperant que sa grandeur ne mesprisera point ma petit esse, ains la receura, selon sa beneuolence accoustumée, en bonne part, me tenant à tousiours souz sa protection fauourable. Ce que nous prions bien humblement. D’Anuers ce
20. de Septembre. 1578

Vostre treshumble.

Esbatement moral.

[A2v]
Pierre Heyns au Spectateur & Lecteur.

VIen voir icy Chrestien, animal raisonnable
Et des bestes appren, l’estat du monde vain:
Qu’elle vie est la vraye & qu’elle abominable:
Que c’est de la vertu & du vice vilain:
D’imiter leur conseil n’aye honte, ou desdain,
Ains plustost te rougis, de viure ainsi en beste,
Qu’vn simple homme payen te monstre tout à plain,
Que tu n’as que le nom de son estre en la teste.

Ces fables, i lest vray, sont vieilles & communes,
Mais pleines de bon sens & d’vn sçauoir expert.
Qui te preseruera de maintes infortunes,
Si tu reçois le bien dessouz l’escorce offert.
Cil aduient quelque fois que ton mal y appert,
N’entre en cholere adonc, meilleure vie mene:
Bien que la verité sans picquer ne se part,
Tu n’y trouueras fiel qui du miel ne t’amene.

Viens, ò Peintre aussi, & Tailleur de figures,
En ce bois & forrest à ton aise verras,
Des animaux au vif leurs formes & statures,
Voire si proprement que faute n’y auras,
Mesme d’vn gay parler, qu’en voyant tu orras.
Soit donques guerdonné, de pris & de louange,
Cil qui l’a entrepris, Le vice excuseras:
Sans Dieu nul n’est parfait, & fust ce mesme vn Ange.

Et toy Poéte François, vray amateur des Muses,
Tu y verras aussi des Heroiques vers
En Sonets bien troussez: qui par deux cornemuses
(A Londres entonnez & finiz en Anuers)
Font sauter, à l’ennuy, Oyseaux bestes, & vers.
Mais si leur Harmonie aucunement differe,
Donne la coulpe au temps, qui est bien si diuers
Que l’homme ne fait tout cela qu’il espere.


[A3r]
SONET.

Mais qu’est il de besoin de raconter si bien
Et de si bien grauer: & de si bien escrire?
Pour des fables sans plus, qui sont faictes pour rire,
A quoy sert tant de peine, & n’apporter nul bien?

La Muse, le pinceau, & la plume, combien
Trauaillent ils, en vain, pour follement deduire.
Ie ne sçay quoy, dict on, qu’on baille au mo<abb>n</abb>de á lire
Pour y perdre son temps, puis quil ne sert de rien?

Ie respon, voirement, que ce ne sont que fables:
Mais qui n’enseignent rien que propos veritables
Qui nous pendent á loeil, et en tout lieux encor.

Il seroit donc besoin, en chose si bien faincte
Que tout y fut graué, & la doctrine peincte
Comme on fit chez Cresus en lettres toutes d’or.


[A3v]
1

Du Chartier & du Cheual.

SONET.

VN Cheual descharné d’un chartier tout cholere
Fut mis en vn tel lieu qu’il ne s’en peust tirer:
Dont le maistre irrité se mect á le bourrer,
Et l’enfondrer de coups en sa grande misere,

Lors le cheual luy dict, ne se pouuant deffaire
De ce lieu tout fangeux, tu dois considerer
Que ma peau se desrompt á force de tirer,
Et tu n’es point content de ce que ie puis faire.

Non ce dict le Chartier, qui tiroit, qui pressoit
Le cheual tout recreu, il faut, quoy quil en soit,
Que tu passes plus outre, ou bien que ie t’accable.

L’exacteur faict tirer le poure tout ainsi
Qui n’a rien que les os, toutefois sans mercy
Il y cerche á manger, tant est insatiable.


[A4r]
Sansues extraordinaires.


{ill}

<bt>Allez donc, & besoignez, paille ne vous sera baillee, & si rendras le nombre des briques accoustumé.</bt> <bv>Exo. 5.18.</bv>



[A4v]
2

Du Lion & du Regnard.

SONET.

LE Lion, comme Roy, par mandement exprez,
Faignant d’estre malade, à toutes autres bestes
Commanda de venir pour oüir leur requestes
Pour n’aduenant sa mort, estre en paix puis aprez.

Pourtant toutes y vont Mais le Regnard deprez
Regardant à la poudre, entre en grandes enquestes
En son coeur, pour leurs pas: disant, ha que vous estes
A vostre grand malheur, animaux indiscrets!

Poures bestes vrayment: Et vous plus les dernieres
Deüiez bien regarder aux pieds de ces premieres
Qu’vn seul n’est retourné de ces lieux perilleux.

O qu’il est aduisé qui n’est de compagnie
Attrapé finement dessous la tyrannie,
Couuerte de douceur, d’un prince cauteleux.



[B1r]
Estre sage au peril d’autruy.

{ill}

<bt>L’homme fin voyant le mal s’est caché: Les simples passans outre, ont soustenu les dommages.</bt> <bv>Pro. 27.12.</bv>



[B1v]
3

Du Chesne & de l’Orme.

SONET.

AV Chesne ordonné Roy l’Orme malin remonstre
Que pour mieux s’establir, il falloit mettre hors
Les arbres l’entourans: & par mille rapports
Animoit meschamment ce bon prince à l’encontre.

Mais le Chesne l’oyant plain de courroux se mo<abb>n</abb>stre,
Luy repliquant ainsi: Et que fairay ie alors
Que ie feray battu des horribles effors
Des vens impetueux, & contre leur rencontre?

Pourtant luy defendit sur peine d’encourir
Son indignation, & de bien tost mourir,
De n’approcher iamais de nul qui l’enuironne.

Tel doit estre vn bon prince auecques ses vassaux:
Il doit participer à leurs biens, & leurs maux:
Et reietter bien loin le blame qu’on leur donne.



[B2r]
Le salut des subiects est le pouuoir des Princes.

{ill}

<bt>La dignité du Roy est en la multitude du peuple, & la honté du Prince est au petit nombre du peuple.</bt> <bv>Pro. 14.28.</bv>



[B2v]
4

Du Lion & de l’Asne.

SONET.

EN vn champ, le Lion oyant le Coq chanter
(Et c’est cela sans plus, dict on, qui l’epouuente)
Prit aussi tost la fuitte, & lors vn Asne attente,
De courrir aprez luy & de prez le haster.

Le Baudet estimoit, que pour le redouter
Le Lion detraquast: Mais puis il se presente,
Quand la voix de ce Coq estoit bien loin absente,
Vis à vis de son Asne, & vient l’accrauanter.

Ha (disoit le Lion) la grand’ faute à qui pense
Qu’un Lion craigne vn Asne, & fuit pour sa presence?
Non, non, c’est pour ce Coq, qui m’ennuye & desplaist.

Apre<abb>n</abb> do<abb>n</abb>c au iourdhuy soubs ma patte, à cognoistre
Qu’il ne faut point jamais s’attaquer à son maistre,
Ny vers les gra<abb>nd</abb>s se faire, autre ou plus gra<abb>n</abb>d qu’on n’est.



[B3r]
N’irriter son plus fort.

{ill}

<bt>N’estriue point auec l’homme puissant, de peur que tu ne tombes en ses mains.</bt> <bv>Eccle. 8.1.</bv>
<bt>Ne veuille point resister contre la face du puissant, & ne te force point contre le coup de foudre.</bt> <bv>Eccle. 4.32.</bv>




[B3v]
5

De l’Homme inuoquant la Mort.

SONET.

CE vieil homme est chargé d’une telle misere,
Qu’il tombe soubs vn faix qu’il ne peut soustenir,
Dont il s’escrie ainsi, ô mort vueille venir
A ce poure vieillart pour son heure derniere.

A ce cry tout piteux voyci la mort meurtriere,
Tenant à sa main dextre vn dard prest à brandir:
Quoy voiant le poure homme, & son bras haut roidir
Pour l’eslancer sur luy, parle en ceste manière.

O mort ie t’appelois, non pour mettre vne fin
A ma vie, nenny: mais bien à celle fin
De m’ayder à charger, pour mon chemin poursuiure.

Ainsi se passe vn mal, quand vn autre se void
Aduenir plus pesant: ainsi tant vieil qu’on soit,
Et tant de mal qu’on ait, on ne cerche qu’a viure.



[B4r]
Tel appelle la mort qui point ne la desire.

{ill}

<bt>Mieux vaut la mort que vie amere: repos eternel, que longue maladie.</bt> <bv>Eccle. 30.17.</bv>
<bt>Le chien viuant vault mieux que le Lion mort.</bt> <bv>Eccle. 9.4.</bv>




[B4v]
6

Du Basilique & de la Belette.

SONET.

D’Vn Antre fort couuert vn long Serpent sortoit
Par fois en vn iardin, pour y penser supprendre
Vn ieune Beletteau qui venoit là se rendre
Tous les iours pour manger, & sans fin l’y guettoit,

La Belette tandis ne s’en espouuentoit,
Mais icelle au contraire osoit bien entreprendre,
Au pas de son grand trou de se mettre, & l’attendre,
Voire que dans son fort bien souuent l’arrestoit.

Car tousjours elle auoit vne branche de Rue
(On dict asseurement qu’vne telle herbe tue
Tout serpent venimeux) pour en couurir son corps.

Ainsi doit le petit pouruoir son affaire
En s’armant prudemment contre vn grand aduersaire
Et par vn bon moien rompre tous ses effors.



[C1r]
Se deffendre de conseil & force,

{ill}

<bt>Resistez au Diable, & il s’en fuira de vous.</bt> <bv>Iacob. 4.7.</bv>
<bt>Prenans sur tout le bouclier de foy, par lequel vous puissez estaindre tous les dards enflammez du malin.</bt> <bv>Ephe_. 1.6.</bv>




[C1v]
7

Du Singe & de ses Enfans.

SONET

Vn Singe eut deux singeots qu’il print à gra<abb>n</abb>d amour,
Au moins l’vn: Car de l’autre il n’estoit exercice
A quoy il s’addonnast qu’il ne luy semblast vice,
Ne luy soufrant chez luy de faire aucun seiour.

Quant à l’autre Singeot il estoit tout le iour
A se donner plaisir, à faire vne malice,
Il saute, il vire, il tourne, il se rompt vne cuisse,
Puis le pere suruient qui se lamente autour.

Il le tient en ses bras, & si fort il l’embrasse
Qu’il rend tout roide son Singeot en la place,
Et plus qu’au parauant c’est lors à se douloir.

Tels sont les fols parens, lesquels ainsi assottent
Leurs malheureux enfans, & tant les amignottent,
Qu’ilz les perdent du tout pour plaire à leur vouloir.



[C2r]
Amour folle aux Enfans.

{ill}

<bt>Qui espargne la verge, il hait son fils: mais celuy qui l’ayme, il l’instruit sans cesse,</bt> <bv>Pro. 13.24.</bv>
<bt>La confusion du pere vient du fils sans discipline, & la fille folle sera annéantie,</bt> <bv>Eccle. 22.3.</bv>




[C2v]
8

Lion & Cheual.

SONET

VN Cheual bien adroit emmy les champs reclame
Le secours d’un Lion qu’il voyoit affamé
Faisant le medecin expert, & estimé
Et n’estant, disoit il, sans vn souuerain basme.

Donc le Cheual l’oyant, luy dict, ha ie me pasme,
Ayant vn de mes pieds de derriere entamé,
Tu sois donc bien venu medecin bien aymé,
Ie te supply bien fort de quelque cataplasme.

Lors le Lion faignant le voir par grande pitié,
Le Cheual luy desserre vn vilain coup de pied,
Laissant ce medecin estourdi sur place.

Celuy qui cerche à nuire & cauteleusement
Tasche de paruenir à son fol pensement,
Bien souuent est deceu soubs vne autre fallace.



[C3r]
Sagesse contre astuce.

{ill}

<bt>Myeux vallent les playes de son amy, que les baisers frauduleux de l’ennemy.</bt> <bv>Pro. 27.6.</bv>
<bt>L’ennemy larmoye de ses yeux: & s’il trouue le tems, il ne sera point saoulé de sang.</bt> <bv>Eccle. 12.16.</bv>




[C3v]
9

Du Renard & de la Gruë.

SONET.

VN Renard auoit faict dens vne platte escuelle
Du papin pour la gruë, ayant la à traicter:
Or elle ne pouuant pour son bec en taster
Le Regnard mange tout, & puis se moque d’elle.

Or elle luy en baille au soupper d’vne telle,
Faisant dens vne courge vn tel mects apporter
Et lors prie au Regnard qu’il en vueille gouster,
Et qu’il estoit fort bon pour guarir sa ratelle.

Lors y mettant son bec elle en prend bonne part
Car elle aualle tout, puis demande au Regnard
Sil n’est pas bien traicté, le priant qu’il responde.

Qui se met à tromper, respond il trouuera,
Vn aussi fin que luy lequel le trompera,
Car assez il y a des trompeurs par le monde.



[C4r]
Frauder le fraudeur.

{ill}

<bt>Il trompera les trompeurs, & donnera grace aux debonnaires,</bt> <bv>Pro. 3.34.</bv>
<bt>Lequel prend les Sages en leur finesse,</bt> <bv>Iob. 5.13.</bv>




[C4v]
10

Paon & Rossignol.

SONET,

LE Paon se contristoit oyant le doux ramage
Du gentil Rossignol, et se plaingnoit pourtant
A Nature en grand dueil qu’il n’en auoit autant,
Et qu’il conuiendroit mieux à son noble plumage,

Nature luy respond qu’il auoit en partage
Vn don qui luy estoit au lieu de ce doux chant.
Et que le Rossignol n’alloit point recerchant
Ce que le Paon auoit dessus luy dauantage.

Luy dict en plus auant qu’on n’auroit iamais faict
S’elle auoit derechef à r’habiller son faict
Selon l’aduis de tous, & que luy le propose.

Que chacun y pensant se doit bien contenter
Du bien qu’il a receu, sans vouloir disputer
A qu’elle occasion vn autre a quelque chose.



[D1r]
Se Contenter de sa grace.

{ill}

<bt>Que vos moeurs soyent sans auarice, estans contens de ce que vous auez presentement,</bt> <bv>Hebre. 13.5.</bv>
<bt>Sois content de ta gloire & sois assis en ta maison.</bt> <bv>4. Reg. 24.10.</bv>




[D1v]
11

Des Brebis, Lonps & Chiens.

SONET.

LEs Brebis auoient guerre a l’encontre des Loups,
Et force bons gra<abb>n</abb>s Chie<abb>n</abb>s estoie<abb>n</abb>t pour les deffendre:
Les Loups demandent paix, & pour mieux les suppre<abb>n</abb>dre
Promettent leurs petis,sans qu’un reste de tous.

Eux demandent les Chiens: & ses propos si doux
Ainsi qu’elles pensoient, les y font condescendre:
C’est la paix, disoit on, qu’on ne vienne entreprendre
A l’enfraindre, ou jamais qu’on ne pense estre absous.

Lors les Loups sur les Chiens, & dessus les ouailles
Les louueteaux harpez leur ouurent les entrailles,
Où toute cruauté leur sert de passetems.

Donc contre l’ennemy que tousjours on s’efforce
D’estre caut & prudent, & de garder sa force
Co<abb>n</abb>tre ceux qui sont faits pour mal faire en tout te<abb>m</abb>ps.



[D2r]
Les simples aisément deceuz.

{ill}

<bt>Ne crois jamais à ton ennemy, car sa malice s’enrouille comme le metal Et combie<abb>n</abb> que’en s’humiliant il chemine courbé, retire ton courage & garde toy de luy.</bt> <bv>Eccl. 12.10.11.</bv>



[D2v]
12

Du Lion & le Rat.

SONET.

COmme vn Lion eut faict à vn Rat quelque bien,
Estant à ce poussé de nature gentille,
Tombe dens vn filé: ou, bien qu’il soit habille,
Si ne peut que faire, & si trauaille bien.

Car ce poure Lion dessous vn tel lien
Est la qui se tempeste, est la qui s’entortille,
Rugissant, & mettant, & la force & le stille
Pour s’en mettre dehors, non, il n’y gaigne rien.

Le Rat oyant son cry accourt viste à la trappe,
Il ronge les cordeaux, & le Lion eschappe:
Et puis promet au Rat tout plaisir en tous lieux.

Les petis quelque-fois encor pourront bien estre
En quelque endroit ou cest qu’ils scauro<abb>n</abb>t recognoistre
Vers les grans, le bien faict qu’ils auront receu d’eux.



[D3r]
Chascun peut faire recompense.

{ill}

<bt>Si tu fais bien, sache a qui tu le feras, & gra<abb>n</abb>de grace sera en tes biens, fais bien au iuste, & tu trouueras grande retribution</bt> <bv>Eccle. 12.1.2.</bv>



[D3v]
13

D’Aquilon, de Phebus, & d’vn Voiager.

SONET.

Aquilon & Phebus debatoient de leur force:
L’vn la vantoit bien grande, & l’autre encore plus:
Dont sur vn Voiager tous deux sont resolus,
Pour oster son sayon, de la monstrer à force.

Aquilon sur se poinct tout le premier s’efforce
De soufler, & plouuoir horriblement dessus,
Mais tant s’en faut que l’homme alors le mette ius,
Qu’il se clost tant plus fort que le vent se renforce.

Or apres, le Soleil va monstrer sa valeur,
Iettant dessus cet homme vne grande chaleur:
Tellement, qu’a son ray il iette bas son saye.

Ainsi doit on priser dauantage celuy,
Quand à son entreprise il gaigne & vainc autruy,
Plus par vn bon moien , que par coups & par plaie.



[D4r]
Plus peut douceur que rigeur,

{ill}

<bt>Non point que nous ayons domination sur vostre foy,</bt> <bv>2. Cor. 1.24.</bv>
<bt>Ie me suis fait toutes choses à tous, a fin de sauuer tous.</bt> <bv>1. Cor. 9.22.</bv>




[D4v]
14

De la Cigale & la Fourmy.

SONET

AVssi tost que l’hyuer aux champs eust faict venir
Ses glaçons & frimas, le Sautereau s’adresse
Au Fourmy, le priant qu’a sa grande detresse
D’un peu de son amas luy plaise subuenir.

Le Fourmy luy respond qu’il peut se souuenir
Du beau temps de l’este, ou l’on oyoyt sans cesse
Dens les bleds le grand bruyt de sa voix chanteresse,
Au lieu de bien penser à vn temps aduenir.

Pense bien, ce dit il, qu’ores qui ne labeure
Mais se do<abb>n</abb>ne bon temps, qu’il faut que poure il meure,
Et que son beau plaisir luy soit bien cher vendu.

Scache donc cestuy-la qui pense tousjours rire,
Qu’un temps pourra venir qu’il faudra qu’il soupire,
Recognoissant trop tard le temps qu’il a perdu.



[E1r]
Vigilance a assez, paresse defaut.

{ill}

<bt>Pour la froidure le Paresseux n’a point voulu labourer, il mendira donc en Esté, & ne luy sera rien donné.</bt> <bv>Pro. 20.4.</bv>



[E1v]
15

Du Loup & de la Gruë.

SONET.

LE Loup qui promettoit vn thresor indicible,
S’on luy ostoit vn os dedens son gosier mis,
Vit la Gruë, & luy dit, ô l’heur de mes amys,
Oste moy, ie te pry, ce mal s’il est possible.

Lors elle met son col dens sa gorge terrible.
Et tire l’os ainsi qu’on luy auoit commis:
Puis luy dit, donne moy ce que tu m’as promis
Et lors d’auecque toy ie m’en iray paisible.

As tu bien , dict le Loup, vn eprit si grossier
De ne penser, qu’ayant ton col dens mon gosier
Ie t’eusse peu tuer? va ten donc, & y pense.

La Gruë adonc partit, disant que cest le gain
Qu’on peut tousiours attendre, auecque tout desdain,
Du bien faict a l’ingrat pour toute recompense.



[E2r]
Le mal vilein d’ingratitude.

{ill}

<bt>Lesperance de l’ingrat s’esuanouira co<abb>m</abb>me la glace de l’hyuer, & se perdra comme l’eau qui ne soit de rien.</bt> <bv>Sap. 16.29.</bv>



[E2v]
16

Du Fresne & du Roseau.

SONET.

LE Fresne & le Roseau sont a scauoir combien
L’vn estoit plus que l’autre, & le Fresne s’arreste
A se priser ainsi, que contre la tempeste
Il demeure constant sans vaciller en rien.

Mais toy poure Roseau vrayment tu montres bien
Quel tu es (disoit il) lors que ta foible teste
Au moindre vent du monde, aussi tost s’en va preste
De s’encliner tout bas, o quel est ton maintien.

Sur cela sourd en l’air, Typhon qui vient grand erre
Prendre ce Fresne au corps, & le iette par terre,
Le Roseau le voyant qui dict, estant debout,

De ceder quelque fois est grande sorteressse:
Mais celuy qui tient fort sans aucune sagesse,
Il faut ( & tu le vois) qu’il se rompe du tout.



[E3r]
Le superbe abatu.

{ill}

<bt>Il a dissipé les orgueilleux en la pensée de leur coeur. Il a mis bas les puissans de leur sieges: & a esleué les humbles.</bt> <bv>Luc. 1.51.52.</bv>



[E3v]

Du Berger qui crioyt tousjours, au Loup.

SONET.

VN Gardeur de Brebis, ne faisant rien qui vaille,
Crioyt aux villageois: hau bonnes gens, voila
Le Loup dens mon pasquis, & venez tost, il a
Vn de mes bons moutons, ô combien ie trauaille?

Mais chascun voyant bien que ce rustre ce raille
Aprez deux & trois fois qu’ilz estoyent venus la,
Le Loup en rauit vn, lors le berger, Haula
(Dict il) c’est a ce coup que le loup tient mon ouaille.

Et venez (estoit il criant à pleine voix)
Ie vous dy que le Loup est icy ceste fois,
Mais on laisse ce fol s’enrouer de crierie.

Ainsi voila que gagne vn menteur effronté,
Que mesmes en l’oyant dire la verité,
On pensera tousiours que ce soit menterie.



[E4r]

{ill}

<bt>Le pain de mensonge est soeuf à l’homme, & apres sa bouche fera remplie de sablon.</bt> <bv>Pro. 2.17.</bv>



[E4v]
18

Du Loup & d’une Truye.

SONET.

VN Loup voyoyt de loin vne Truye pleine
Qui vouloit cochonner, la coche l’aduisant
Rauire ses croçeaux contre ce Loup nuisant,
Qui luy dict qu’il vient la pour l’ayder en sa peine.

Oy, ie suis bon amy, dict le Loup, & sans hayne,
Ie vien pour te garder diligent, suffisant,
Et pour ne faire rien qui te soit desplaisant,
En tout cela ie suis la beste souueraine.

Non, la coche respond, qui que tu sois, ie voy
Que tu sembles vn loup par trop espouuentable
A mes petits cochons, va donc bien loin de moy.

Que ce repoussement est grandement notable:
D’accorder au meschant d’estre son gardien,
Helas, & que peut il en aduenir de bien?



[F1r]
Ne se fier point au faint amy.

{ill}

<bt>L’homme qui en douces & sainctes paroles parle à son amy, il estend les rets deuant ses pas.</bt> <bv>Pro .29.5.</bv>



[F1v]
19

D’une femme & de sa Geline.

SONET.

VNe Femme, vn temps fut, auoit vne Geline
Qui fut de sa maison l’unique & seul secours,
Dautant qu’elle donnoit vn oeuf d’or tout les jours:
Dont elle eust par sa mort vne entiere ruine.

Donc la Femme pensant qu’au fond de la poitrine
De ceste poulle, fut vn tresor pour tousiours:
La malheureuse adonc sans faire long discours,
Par vn coup de cousteau ceste poulle extermine.

Ne trouuant rien dedens allors elle s’escrie:
O combien l’auarice est plaine de folie?
Par là de mon vaillant ie suis venue à bout.

Donc l’homme conuoiteux, le plus souue<abb>n</abb>t, qui pense
S’aduancer en grans biens, par la folle despense
Qu’il faict sans iugement, son bien s’en va du tout.



[F2r]
Perdre par trop desirer.

{ill}

<bt>L’auaricieux ne sera rassasié d’argent: & celuy qui ayme les richesses ne prendra point aucun fruict d’icelles.</bt> <bv>Eccle. 5.9.</bv>



[F2v]
20

D’une Mule.

SONET.

VN jour fut qu’une Mule ayant tousjours bo<abb>n</abb> temps,
La paille iusque au ventre, à son aise, bien grasse,
Vantoit à cor & cry son ancienne race
De genets, de coursiers, & d’un bien fort long temps.

S’il faut courir, bondir, c’est à qouy ia m’entens,
Disoit elle, & si fay le tout de bonne grace.
Ainsi pour l’essayer elle est menée en place,
Ou l’on donnoit carriere aux cheuaux excellens.

Mais à la Mule estant toute course incognue,
Ie me cognoy, dict elle, & d’ou ie suis venue
D’un vieil asne assauoir, qui m’a faicte en ce point.

Ainsi void on tousiours que c’est que de l’espreuue,
Car à ceste heure là tel qu’on est on se treuue
Ou c’est qu’a son repos on ne le scauoit point.



[F3r]
On cognoit à l’oeuure l’ouurier.

{ill}

<bt>Qui dict qu’il cognoit Dieu, & ne garde point ses commandemens, il est menteur & verité n’est point en iceluy.</bt> <bv>1. Ioan. 2.4.</bv>



[F3v]
21

Du Mouton & du Loup.

SONET.

VN bon Mouton oyant vn Loup malicieux
Soubs vne peau d’agneau dire que sa presence
Luy vient à grand plaisir: & à ce qu’il le pense,
Qu’il luy offre à son gré son bois delicieux.

Si tu fusses vn loup ie t’aymasse bien mieux,
Dict le Mouton, pourtant que i’aurois grand deffence:
Mais estans tout seullets, si quelqu’un nous offence,
Et qui nous gardera en ses dangereux lieux?

Lors le loup tout raui d’une telle parolle,
Dict au mouton: vois tu aussi ie suis vn Loup,
Vien mon bon compagnon, afin que ie t’accolle.

Ouy, dict le Mouton, vrayment cest à ce coup
Que ie scay qui tu es, plusieurs portent des testes
D’vne bonne Brebis, qui sont mauuaises bestes.



[F4r]
Ne regarder à l’apparence.

{ill}

<bt>Donnez vous garde des faux Prophetes, qui viennent à vous en vestemens de Brebis, mais par dedans sont Loups rauissans.</bt> <bv>Matt. 7.15.</bv>



[F4v]
22

D’un homme & de son Dieu de bois.

SONET.

EN Calicut estoit vn Bouuier idolatre
Qui prioit sans cesser vn Image de bois
De luy faire du bien, mais n’oyant point sa voix,
Le Bouuier dict, & qouy? tant prier, tant rebattre?

Ainsi il se fascha, & se mit à l’abattre
(Or y auoit on mis vn tresor autre fois)
Qui venant à tomber se rompit par le foix,
Et lors vn monceau d’or cheut aux pieds de ce pastre.

Miserable es tu bien qui ne profittes point
Dict allors le Bouuier, sinon à coups de poing,
Quand par ta mauuaistié te voila mis en pieces.

Pourtant à telles gens qui sont ainsi mauuais
Si l’on ne rompt le col ils ne seruent jamais,
Bien est vray qu’on ne trouue à tous de telles pieces.



[G1r]
N’attendre à faire bien à force.

{ill}

<bt>Que si nous mourons auec luy, nous viurons aussi auec luy. Si nous souffrons, nous regnerons aussi auec luy: si nous le renions il nous reniera aussi.</bt> <bv>2. Timot. 2.11.</bv></bv>



[G1v]
23

Du Regnard & des Chats.

SONET.

VN Regnard cheminoit auecques certains chats,
Qui s’esleuoit sur eux pour sa ruse & vistesse,
Disant qu’ils n’estoyent rien, hors vn peu d’allegresse.
Pour bien les exalter, que des mangeurs de rats.

Les chats sur ce propos voyent tout à leurs pas
Des chiens flairans leur trace: adonc par leur souplesse
Sont bien tost sus vn arbre: ou c’est que la finesse
De ce gentil vanteur est supprise au pourchas.

Alors dict le Regnard, que ceulx la mal se prisent
Qui se vantent de vent, combien mal ils desprisent,
Ceux qui les sont voyans en leur gloire trompez.

Tel se moque d’autruy qui meurt en fin de honte:
Et tel blame ceux là desquels il faict grand conte,
Quand il se void aux laqs, dont ils sont eschappez.



[G2r]
Faire plus & ne dire tant.

{ill}

<bt>Ne permets point que jamais orgueil domine en ton sens ny en ta parolle, car en iceluy toute perdition a prins son commencement.</bt> <bv>Tob. 4.14.</bv>



[G2v>
24

Du Serpent & de la Lime

SONET.

LE Serpent qui vouloit vne Lime manger,
Tant plus qu’à l’endroit d’elle il mo<abb>n</abb>stre de puissa<abb>n</abb>ce,
Pensant à belles dens en la fin la ronger,
Tant plus par ce moyen se faict il de nuisance.

Car le poure animal n’a point de cognoissance,
Qu’il se gaste les dens par faute de iuger,
Qu’il se va prendre à tel, qui prend de luy vengeance,
Sous vn pouuoir ferré sans nullement bouger.

Aussi luy dict la Lime, ô fol quand tes dens mesme
Seroyent de fort airain, i’ay vne force extrême
Contre laquelle, helas! que pourois tu auoir?

Ainsi donc void on bien que c’est grande folie
D’assaillir la personne en ton foible pouuoir,
Qui ne craint d’estre en rien des plus forts assaillie.



[G3r]
Ne se prendre pas à son maistre.

{ill}

<bt>Ie suis Iesus, lequel tu persecutes: il t’est dur de regimber contre l’aiguillon.</bt> <bv>Actor. 9.5.</bv>



[G3v]
25

De deux Escreuisses.

SONET.

L’Escreuisse enseignoit son petit escreuisse
De nager autrement, cela considerant,
Qu’aller à reculons c’estoyt vn blame grand,
Et plus grand de vouloir se nourrir en ce vice.

Surquoy dict le petit: c’est en tel exercice
Que tu m’as esleué, mais si doresnauant,
Ainsi que tu me dis, tu chemines deuant:
Il ne faut point douter que je ne t’obeisse.

Tu m’enseignes assez comment ie doy marcher,
Mais quant à ce chemin, il me le faut cercher
Ailleurs qu’auecque toy, qui vas tout au contraire.

Communeme<abb>n</abb>t on veoit chascun estre fort prompt,
De reprendre aigrement ce que les autres font,
Et c’est le plus souuent cela qu’on leur void faire.



[G4r]
Mesme faire & enseigner.

{ill}

<bt>Toy donc qui enseignes autruy, tu ne t’enseignes point toy mesme: qui presches qu’on ne doit point desrober, tu desrobes.</bt> <bv>Rom. 2.21.</bv>



[G4v]
26

Du Lieure & de la Tortuë

SONET.

VN Lieure se vantoit de la dexterité
Qu’il auoit à courir, & blamoit la Tortuë,
De ceste pesanteur dont elle est reuestue,
Pourtant il demandoit sur elle authorité:

Elle dict qu’elle est preste à sa legerete
De donner le combat. Soit vne source esleuë
Pour le terme arresté: qu’elle est bien resoluë
Que la honte jamais n’ira de son costé.

Ce faict: la ou le Lieure est content d’une course
Nuict & jour la Tortue est apres ceste source,
Quelle attaint la premiere ingenieusement.

Que c’est la voirement vne belle science,
En trauaillant tousjours, que d’auoir patience,
Sçachant comment il faut se haster lentement!



[H1r]
Exercice assidu vainc tout.

{ill}

<bt>Ne sçais tu pas que quand on court à la lice tous courent, mais vn seul prend le pris. Courez tellement que vous le prennez.</bt> <bv>I. Cor. 9.2 4.</bv>



[H1v]
27

Du Corbeau & du Brebis.

SONET.

VN deuorant Corbeau, s’estant mis sur le dos
D’une poure Brebis, luy arachoit la leine,
Et luy donnoit encor auecque toute peine,
De son gros vilain bec, iusques au suc des os.

Ceste Brebis voyant que c’est sans nul repos,
Que ce hardi meurtrir sur elle se demeine,
Et sentant que vers luy sa complainte estoit vaine,
Ne pouuant autre cas, luy tient ce brief propos.

Bien que tu soit bien fort, tu n’oserois te prendre
A ce chien que voila, & le taster ainsi:
Il respond, ie sçay bien ce que ie fais aussi.

Que cert de se vouloir ou complaindre ou defendre
Enuers quelque moqueur, ou celuy, qui se plaist
A mal faire tousiours & de la se repaist?


[H2r]
N’affliger aucun sans defence.

{ill}

<bt>Vous n’afligerez nulle vefue ne nul orphelin. Que si vous les afligez, & ils crie<abb>n</abb>t à moy, j’orray leur cri, & ie me courrouceray, & vous tueray de glaiue & vos femmes seront vefues, & vos enfans orphelins.</bt> <bv>Ephe. 22.22</bv>



[H2v]
28

Du Regnard & des Mouches.

SONET.

VN Regnard dens ce piege est icy qui supporte,
Des mouches le succeant, les plus poignans effors,
Tellement qu’il en est tout sanglant au dehors,
Et ne scait qu’il doit faire au grand mal qu’il en porte.

Vn sien voisin le voit qui le prie, & l’exhorte
De vouloir dechasser ces mouches de son corps:
Il respond qu’il craingnoit, quand elles seroyent hors,
Que d’autres y viendroyent le manger en la sorte.

Celles cy, disoit il, ont le ventre tout plain,
Et les autres mourans de malle mort de fain,
Me pourroyent pour certain de beaucoup plus nuire.

Par ainsi peut on voir, qu’il vaut bie<abb>n</abb> mieux s’offrir
Au moindre de deux maux, s’il en faut vn souffrir,
Et par grande prudence en rejetter le pire.


[H3r]
Des maulx faut choisir le moindre.

{ill}

<bt>Mais il me vaut mieux tomber en vos mains sans l’oeuure, que de pecher en la presence du Seigneur.</bt> <bv>Dan. 13.23.</bv>



[H3v]
29

De l’Aigle & de la Regnarde.

SONET.

LA regnarde voyant vne Aigle rauissante,
Embler hastiuement ses petis Regnardeaux,
Et les porter bien haut, à ses petits aigleaux,
Elle est à remplir l’air d’une voix menaceante.

En la fin elle mect vne torche bruslante
En larbre ou c’est qu’estoyent ses volans animaux,
Et le feu s’embrasant aux endroits les plus hauts,
Brusle de ses petis la race duorante.

L’Aigle oyant ses Aigleaux piteusement crier,
A tire d’aisle vient dessus eux tournoyer,
Et ne sçait point que faire au mal qui luy succede.

Bien souuent le petit se vange d’un plus fort
Qu’il n’est pas de beaucoup, quand on luy a faict tort,
Sans qu’il puisse en aprez y trouuer de remede.


[H4r]
Il ne faut contemner personne.

{ill}

<bt>Qui faict iniure receura ce qu’il aura faict iniustement.</bt> <bv>Colos. 3. 25.</bv>



[H4v]
30

De deux amys & de l’Ours.

SONET.

AInsi que cheminoyent deux amys sans soucy
Vn Ours vint au deuant: & ceste beste estonne,
D’un grand estonnement, l’vne & l’autre personne,
Dont l’une monte à mont sur vn arbre obscurcy.

L’autre se couche à dens sans bouger, & voicy
L’ours pe<abb>n</abb>sant qu’il fust mort, qui passe, & l’abando<abb>n</abb>ne
(Car ils ne touche aux morts) dont l’autre ho<abb>m</abb>me arraisonne
Descendant, cestuy-cy: & l’interrogue ainsi.

Amy que te disoit cest Ours en ceste voye,
Et comment as tu faict pour ne luy estre en proie?
Il sembloit bien à voir qu’il eut de toy grand soin.

Il m’a dict, respond il, qu’une autre fois ie fuië,
Telles gens comme toy, ni qu’onques ie m’y fie,
Et qu’on cognoit vrayment les amys au besoin.


[I1r]
Amitie feinte delaisse au besoing.

{ill}

<bt>Tout amy dira: i’ay aussi conioinct amitié: mais aucun amy est seulement amy de nom.</bt> <bv>Eccle. 37.1.



[I1v]
31

De l’Asne & du Chien.

SONET.

L’Asne voyant son maistre vn Chienot carressant
Quy sautoit, qui danssoit, disoit, làs ce follastre
Est aymé pour ses sauts, ou c’est qu’on me vient battre
Quand ie vien, quand ie vay, & mesme en bien faisant.

Il me plaist de changer, ie feray le plaisant:
Et lors deuant son maistre il faict l’accariatre,
Il brait: & pour sa peine on le bat comme platre,
Puis on le recommande à quelque lourd paisant.

En l’estable entraué cet Asne plain de crainte,
A demy mort couché composoit vne plainte
Dessus les pessans coups estans cheus desus luy:

Qu’il est sage, dict il, qui tasche de bien faire
Ce qu’il doit sans vouloir ainsi se contre faire,
Pour faire le flatteur, ie l’appren auiourdhuy.


Demourer en sa vocation.

{ill}

<bt>Et l’homme auquel estoit le mauuais esprit se iettant sur eux & estant maistre d’eux, vsa de force contre eux, en sorte qu’ils s’enfuirent nuds & blessez.</bt> <bv>Act. 19.16. Act. 8.19.</bv>



[I2v]
32

Du Loup & de l’Agneau.

SONET.

DEssous vn beau courant, vn Loup se mit à boire,
Ou de mesme y beuuoit plus bas vn poure Agneau,
Auquel dict ce vieil Loup: tu troubles donc mon eau,
Babouin, tellement qu’elle en est toute noire!

Ha, pour certain jamais ie ne l’eusse peu croire
Quand bien ie t’eusse veu quelque cornu taureau:
Mais l’Agneau tout trembla<abb>n</abb>t voula<abb>n</abb>t parler: tout beau
(Ce cria haut le loup) encor en fais tu gloire?

Voire encor deuant moy, miserable chetif,
Ressemblant a ton pere, es tu bien si hastif
De vouloir sonner mot? non, tu mourras en somme.

Tels void on les meschans estre en toutes façons,
Tousiours assez garnis de semblables raisons,
Quand ils veulent pour fin deuorer vn poure homme.


[I3r]
Tousiours le meschant cherche à nuire.

{ill}

<bt>De quoy les Princes & les Preuosts cerchoyent occasion pour trouuer quelque chose contre Daniel.</bt> <bv>Dan. 6.4.</bv>



[I3v]
33

Du Larron & du Chien.

SONET.

VN Larron pertuisoit vne maison de nuict,
Et pour venir à fin de sa belle entreprise,
Il donne vn pain au Chien, afin qu’en la supprise.
Il se contienne coy, sans vouloir faire de bruit.

Mais le Chien au contraire à grans cris le poursuit,
Abboyant, tempestant, abandonne & méprise
Le present que luy faict ce Larron qui le prise,
Pour le gaigner tant mieux au poinct qu’il est reduit.

O Larron dict le Chien, à quoy veux tu pretendre
Auec ton beau present? penses tu me supprendre,
Pensant que ie le prenne à mon grand deshonneur?

Le seruiteur meschant, qui se laisse corrompre
Par les dons qu’on luy offre, est en danger de rompre
La foy mesme qu’il doit à son propre Seigneur.


Vraye fidelité cherche le profit de son maistre, non le sien.

{ill}

<bt>Si tu as vn seruiteur fidelle, qu’il te soit comme ton ame, traicte le comme ton frere.</bt> <bv>Eccle. 33.30.</bv>



[I4v]
34

Du Chien enuieux, & du Beuf.

SONET.

DEns vn pre sus vn foin, vn mátin de village
Estoit à se veautrer, à gronder, à nager,
Quand il veoid arriuer ce bon Beuf vsager,
Auquel veut empescher la moisson de l’herbage.

Lors le Beuf le supplie auec vn doux langage,
Qu’il se gardast tresbien, qu’il vint à l’outrager,
Luy disant qu’aussi bien n’en pouuoit il manger:
Mesme & qu’il n’auoit rien en tout cet heritage.

Mais quoy que le Beuf die, il n’en est mieux pourta<abb>n</abb>t:
Car le Chien herissé arreste nonobstant,
Que c’est pour son plaisir que le foin il reserue.

Combien void on de gens maistriser en ce point,
Degastans tant de biens qui ne leur seruent point,
Et ne veullent souffrir que nul autre s’en serue?


[K1r]
L’enuieux ne cerche qu’à nuire.

{ill}

<bt>Iay consideré tous les labeurs des hommes, & ay cogneu les industries estre subiectes à l’enuie du prochain.</bt> <bv>Eccle. 4.4.</bv>



[K1v]
35

Du Cheual & de l’Asne.

SONET.

VNn Cheual regardoit vn poure Asne basté
Qui portoit son manger, supportant ses brauades,
Et les gaudissements sur ses membres mallades,
Qui le prioyent en vain pour leur debilité.

Le poure Asne y mourut: adonc l’homme irrité,
Prend tresbien ce Cheual, qui faisoit ses gambades,
Qu’il charge de ce faix, de coups, de bastonnades,
Et de tout l’attirail qu’il auoit merité.

Lors (dict il) te voila, qui brauois en ton aise,
Et qui n’estois esmeu du faix ny du malaise,
Que c poure chargé portoit deuant tes yeux.

Ceux la meritent bien qu’on ne tienne aucun conte
Du gra<abb>n</abb>d fardeau qu’ils ont, quand ils ont bie<abb>n</abb> eu honte
De soulager le dos qui trauailloit pour eux.


Juste loyer de l’impiteux.

{ill}

<bt>L’ame du meschant desire le mal, il n’aura point pitie de son prochain.</bt> <bv>Pro. 21.10.</bv>
<bt>Portez les charges les vns des autres, & ainsi vous accomplirez la loy de Christ.</bt> <bv>Gal. 6. 4.</bv>



[K2v]
36


SONET.

CE Regnard, qui voyoit au bec de ce Corbeau
Vne bien bonne part de quelque gras formage,
Ie voy bien maintenant, dict il, que ton plumage,
Contre le bruict commun, est excellamment beau,

La raison requiert bien, amy, que tout oiseau,
Si, dy-ie, à ta blancheur respondoit ton ramage,
Pour ton merite grand, te vienne faire hommage,
Et qu’on t’eslise Roy sur eux tout de nouueau.

Alors ce blanc Corbeau en tremoussant crouasse,
Et le fourmage chet, que le Regnard amasse,
Et laisse là chanter son Corbeau tout honteux.

Tel est l’amadouement de tout flatteur, qui mange
Le bien de ces dorez, & frians de louange,
Et lors que c’en est faict, il se plaisante d’eux.



[K3r]

{ill}

<bt>L’homme qui en douces & sainctes parolles parle à son amy, il estend le retz deuant ses pas.</bt> <bv>Pro. 29.5.</bv>



[K3v]
37

De la Grenoüille & de la Souri.

SONET.

DE cet aspre conflict des Raines & des Rats
Qui dura si long temps (dont Homere n’a honte
En ses chants les plus doux d’en recitter le conte)
Il en vint en la paix mesme de grans combats.

Comme vne Raine aprez voulant par ces appas
Tirer (pour se vanger) vne Souri, fort promte
De luy promettre assez, luy dict qu’elle se conte
De luy faire en son lieu vn magnific repas.

Mais la Raine noia la Souri miserable,
Et flottant sur les eaux, vn vaultour effroiable.
La rauit, & son hoste, à ses iambes lié.

L’homme meschant qui tasche à nuire ainsi sus terre
(Die tant qu’il voudra, qu’on luy auoit faict guerre)
En la fin perira, sans aucune pitié.



[K4r]
Dissentio<abb>n</abb> des Amis les faict proye aux estra<abb>n</abb>gers.

{ill}

<bt>Tout Royaume, diuisé contre soy mesme, sera desolé, & maison cherra sur maison.</bt> <bv>Luc 11.17.</bv>



[K4v]
38


SONET.

LA Grenoüille voyant, dedans vne prairie,
Vn Beuf gras pasturer, aussi tost el’ l’assaut,
Assauoir, s’esleuant contre luy d’un grand saut,
Et son sang qui luy bout la mect en grand’ furie.

Et des la plus auant entre en forcenerie,
Qu’elle peut estre telle, estimant qu’il ne faut
Pour l’egaler, sinon leuer le nez plus haut:
Quoy faisant, & s’enflant, elle est soudain perie.

Pourette, dict le Beuf, dequoy te fust il mieux
Estant ainsi que moy? las combien plus d’affaire
Eust trauaillé ton corps, dont tu n’auois que faire.

Celuy qui se contente est vrayment bien heureux,
Le petit plus qu’un autre, estant certain qu’il n’entre
Dedens vn petit corps autant qu’en vn grand ventre.



[L1r]


{ill}

<bt>Orgueil est deuant la depression, & deuant la ruiné sera l’esprit exalté.</bt> <bv>Pro. 16.16</bv>
<bt>Tu as humilié l’orgueilleux comme le nauré.</bt> <bv>Psal. 88.11.</bv>



[L1v]
39


SONET.

Vn Cerf blamoit ses pieds, & sa corne tortue
Loüoit iusques au Ciel, se mirant dans les eaux:
Mais venant a passer dessous des arbrisseaux,
Sa corne adonc s’y lie, & pourtant on l’y tue,

Or aux derniers abbois ceste beste abbatue
(Comme les Chiens courans la mettoye<abb>n</abb>t à morceaux)
Se disant hors du sens, en ses horribles maux,
A tenir ces propos allors el’ s’esuertue.

Las! ie blamoy mes pieds qui m’o<abb>n</abb>t tousiours sauué:
Et ce gemeau branchage, ah! par trop esleué,
Est la cause par moy, que ma vie est rauie.

Ainsi rejectons nous la chose qui nous sert:
Ainsi aduoüons nous la chose qui nous perd:
Ainsi l’orgueil deffaict le soustien de la vie.



[L2r]

{ill}

<bt>Ton arrogance & l’orgueil de ton coeur t’a deceu.</bt> <bv>Iere. 49.16</bv>
<bt>Malediction sur vous qui dictes le mal estre bien, & le bien estre mal.</bt> <bv>Esai. 5.20.</bv>



[L2v]
40


SONET.

LE milan guerroioit contre les Collombelles
Sans treues ny repos: & celles-cy jamais
Ne pouuoyent tenir l’air, que cet oiseau mauuais
N’allast les desmenbrant des ses serres cruelles.

Les pourettes adonc, prennent aduis entre elles,
Que c’est qu’il est de faire, & pour rachetter paix
S’en vont à l’Espreuier le prier desormais,
Qu’il veuille estre Roy de leurs trouppes fidelles.

Cet affamé l’accepte, & tout soudain aprez
Tous ces poures coulons s’en vont tous massacrez,
Dessous la cruauté de l’Espreuier ramage.

On ne doit s’esbahir de voir vn cruel Roy,
Commettre lachement, quand il manque de foy,
Sur ces poures subiects toutes fortes d’outrage.



[L3r]

{ill}

<bt>Voicy tu te confies sur ce baston icy de Roseau rompu, sur Egypte, sur lequel si l’ho<abb>m</abb>me s’appuye, il entrera en sa main, & la percera: ainsi est Pharao le Roy d’Egypte, a tous ceux qui se fient en luy.</bt> <bv>Isai. 36.6.</bv>



[L3v]
41


SONET.

VN glorieux Cheual taschant de ruiner
Vn Cerf des mieux courans, vient à prier vn ho<abb>m</abb>me
De l’aider à deffaire, & qu’il est prest en somme,
Sous luy, d’aller où c’est qu’il le voudra mener.

Or l’homme estant dessus le vient esperonner,
Tellement qu’il arriue à ce Cerf, & l’assomme:
Quoy voyant le Cheual, grandement le renomme,
Le priant de vouloir ailleurs s’acheminer.

Mais l’ho<abb>m</abb>me n’en faict rien: ains si bie<abb>n</abb> le maistrise,
Qu’il en faict ce qu’il veut & puis il le desprise,
Luy chargeant tant le dos qu’il en meurt sous le faix.

Tels merite<abb>n</abb>t donc bien (qui faisoye<abb>n</abb>t tant des braues,
Et pour nuire à autruy se sont rendu esclaues)
Par ceulx là qu’ils portoyent, d’estre du tout deffaicts.



[L4r]

{ill}

<bt>Il a ouuert vn puits, & l’a fouy: & est cheu en la fosse qu’il a faicte. Sa douleur sera conuertie sur sa teste: & son iniquité descendra sur le sommet de son chef.</bt> <bv>Psal. 7.16.17.</bv>

[L4v]
42

Du Regnard & du Bouc.

SONET.

LE Bouc & le Regnard allans en vn vojage
Eurent soif, & pour boire entrerent en vn puis.
Mais peu aprez le Bouc dict au Regnard, je suis
En grand perplexité d’estre icy pris en cage.

Le Regnard respondit, non non, pren bon corage,
Ie te mettray bien tost hors de tous ces ennuys:
Seulement leue toy, baissant la teste, & puis
Ie sortiray dehors pour te faire passage.

Ce fait, le Regnard dict: que n’as tu compagnon,
Autant d’entendement, que de poil au menton,
Tu te fusses vrayment de la prise aperceüe.

Ainsi l’homme aduisé ne fera jamais rien,
Que deuant toute chose, il ne regarde bien
Auant à proposer, quelle en sera l’issue.



[M1r]
Croire de leger deçoit.

{ill}

<bt>Celuy qui croit de leger, il est leger de coeur, & amoindrira.</bt> <bv>Eccle. 19.4.</bv>
<bt>Car tout trompeur est en abomination vers le Seigneur.</bt> <bv>Pro. 3.32.</bv>



[M1v]
43

Du Lion & de l’Ours.

SONET.

Ainsi que le Lion eut faict commandement
Aux siens, de s’apprester à la guerre ordinaire,
Vn Ours luy demanda de l’Asne, en quel affaire
Elle pourroit seruir en son lourd portement,

D’auantage, le Lieure auoit incessament
Le coeur glace de peur, que pourroit il donc faire?
Le Lion respondit, qu’à grand force de braire
L’Asne espouuenteroit les oyseaux grandement.

Et puis, de l’ennemy, ayant eu la victoire,
Le lieure à point viendra pour la faire notoire
Par sa grande vitesse à tous, & vn chascun.

Ainsi l’homme aduisé de toute chose ordonne
Si bien, qu’il faict seruir la plus ville personne,
Par sa bonne conduicte au profict du commun.



[M2r]
Tous peuuent seruir au besoin.

{ill}

<bt>Le membres du corps qui semblent estre plus debiles, sont beaucoup plus necessaires.</bt> <bv>1. Cor. 12.22.</bv>



[M2v]
44

De la souri de la ville, & de la souri cha<abb>m</abb>pestre.

SONET.

VNe Souri de ville, ayant esté traictée
D’vne Souri des champs, auec vn peu de pois,
Requist à ceste cy de venir quelque fois
En sa maison la voir, comme el’l’a visitée:

Elle y vient, & voyant force viande apprestée
De bled, de chair, de suif, de marrons, & de noix:
Et d’autre part oyant, vn vallet tant de fois
Empescher leur repas, elle en est desgoustée.

Si dict la vilagoise, ô combien i’ayme mieux
Sans peur d’estre chez moy, que non pas en ces lieux
Bien qu’on y voie encor que tout bien y abonde!

Il est donc bien-heureux qui vit petitement,
En sa maison, en paix, hors de l’estonnement
Du soin, & du trauail où les grans sont au monde.



[M3r]
Doubteuse delice & seure necessité.

{ill}

<bt>Il la suyt comme le beuf qui est mené au sacrifice, & comme l’Aaigneau sautelant & ignorant comme fol qu’on le tire aux lyens.</bt> <bv>Pro. 7.22.</bv>



[M3v]
45

De l’Oiseleur & de la Tourte.

SONET.

AV temps de la moisson vn gra<abb>n</abb>d preneur d’oiseaux,
Sous des Roseaux caché tendoit à la pipée:
Et pensant bien tost voir vne Tourte happée,
Il sent sa jambe prise autour de ses Cordeaux.

Car vn bien long Serpe<abb>n</abb>t sort d’emmy ces Roseaux,
Qui vient à se ramper sur sa plante attrappée
Et le mord à la mort, dont la Tourte eschapée
Laisse cet oiseleur se plaindre sur ses maux.

Et puis elle luy dict: poure homme que ne cesses
D’aguetter nostre vie auec tant de finesses,
Que ton meschant dessain te vient bien à rebours.

Qui faict mal à autruy ne doit trouuer estrange,
Qu’il rencontre du mal, pour du mal en eschange,
Et qu’il soit delaissé quelque fois sans secours.



[M4r]
Le guetteur surprins.

{ill}

<bt>Le Seigneur ne trauaillera point de faim l’ame du Iuste: & renuersera l’embuche des meschans.</bt> <bv>Pro. 10.3.</bv>



[M4v]
46

De l’enfantement d’une Montaigne.

SONET.

AInsi qu’une montagne estoit vn jour mouuante,
Et comme estrangement on la vist varier,
Tout le monde y accourt, qui l’oit tantost crier
Ostez vous, car pour vray me voila que j’enfante.

A ce bruissement la terre s’espouuante:
Elle craint quelque Monstre: & lors de son gosier
Derechef en l’oyant grossement abboyer,
Voicy d’un trou sortir vne Souri courante.

Tous ceux qui vindrent la auec estonnement,
Si tost qu’ils eurent veu ce bel enfantement,
Dessous vn grand ha-ha se mirent fort a rire.

Ainsi est il pour vray d’un gloirieux vanteur:
Comme il est arrogant & d’autruy contempteur,
Aussi ne faict on cas de ce quil sçauroit dire.



[N1r]
Tout ce qui reluit n’est pas or.

{ill}

<bt>I’ay veu le meschant haut exalté & esleué co<abb>m</abb>me les cedres du Liban: & i’ay passé outre, & voyci il n’estoit plus, & ie l’ay cerché, & son lieu n’a point esté trouué.</bt> <bv>Psal. 36.35.36.</bv>



[N1v]
47

Du Paon, qu’on vouloit faire Roy des Oiseaux.

SONET.

LEs Oiseaux du Conseil, pour faire election
D’vn Roy qui les regist, en vn jour s’assemblerent,
Et par vn beau matin ils en delibererent,
Sans beaucoup aduiser à sa condition.

Soudain le Paon leur vient en admiration,
Pour sa grande beauté: pourtant ils l’entourerent
Auecque reuerence, & puis le proclamerent
Souuerain dessus eux, à ceste occasion.

Mais la Pie leur dict, si quelqu’un nous outrage,
Qui nous assistera, puis que ce beau plumage
Est denué du tout de force, & de vigueur?

La beauté en vn prince est certes peu de chose
Au prix de la vertu, qui doit estre renclose
D’vne grande prudence, au milieu de son coeur.



[N2r]
Le Roy sert à defendre les bons & punir les mauuais.

{ill}

<bt>Malheur est sur toy terre, de laquelle le Roy est vn enfant.</bt> <bv>Eccle. 10.16.</bv>
<bt>Bien-heureuse est la terre, de laquelle le Roy est noble. </bt> <bv>Ecc. 10.17. </bv>



[N2v]
48

Du Boeuf & de la Genisse.

SONET.

CHez vn riche fermier comme vn Boeuf secourable
Reuenoit du labeur tout mouillé, tout fangeux,
De porter le courroux d’vn gros air nuageux,
Selon qu’à son bon maistre il estoit redeuable:

Vne grasse Genisse est tandis en l’estable,
A son aise à couuert, qui ne sçait faire mieux
Que d’appeller ce Boeuf vn poure malhereux,
Pour sa condition sur toutes miserable.

Mais le Boeuf la voyant peu aprez l’assommer,
Il se mect aussi tost à cet aise blamer,
S’estimant bien-heureux en sa penible vie.

Ainsi donc quand on void que chascun se deçoit
Au iugement des biens, aucun pourtant ne doit,
Aucunement porter aux riches nulle enuie.



[N3r]
Felicité ou l’on se perd.

{ill}

<bt>Qui labeure sa terre il sera rassasié de pains: mais qui suit oysiueté sera remply de disette.</bt> <bv>Pro. 28.18.</bv>



[N3v]
49

Du Buzart & de la Corneille.

SONET.

COmme au bord de la mer vn Buzart eut trouué
Vne huitre, & luy voyant vne forte closture
Il se donne grand peine, & fasche outre mesure
Ayant pour la tirer tout moien esprouué.

Sur ce point au Buzart estant fort enreué
Vne corneille dict: Pour en veoir l’ouuerture
Il la faut laisser cheoir sur vne pierre dure,
Ouy quand tu te seras haut bien haut esleué.

Ainsi fit le Buzart: & l’huistre ainsi cassée,
De la fausse Corneille est soudain redressée:
Puis se rit du Buzart qui pensa enrager.

Tels sont ces beaux conseils qui sont faicts pour la pance:
Tels les ont auiourdhuy ces bailleurs d’asseurance:
Et tel est le lourdaut, qui croit tant de leger.



[N4r]
Conseil fraudulent.

{ill}

<bt>Les conseilz des meschans sont pleines de fraude.</bt> <bv>Pro. 12.5.</bv>
<bt>Leur coeur pense aux rapines, & leur leures parlent fraudes.</bt> <bv>Pro. 24.2.</bv>



[N4v]
50

De L’Aigle & du Corbeau.

SONET.

IL estoit sur les fins des garennes de Gorte
De beaux & gras Mouto<abb>n</abb>s, vn gra<abb>n</abb>d troppeau paissant,
Sur lequel vient à fondre vn Aigle rauissant,
Qui choisit vn Aigneau de la trouppe, & l’emporte.

Vn Corbeau qui le voit en veut faire en la sorte,
Et sans bien se sonder, s’estime assez puissant
D’enleuer le plus gros, qui faict qu’en s’efforceant
D’emporter vn Mouton à la mort il se porte.

Car volant sur son dos, les pieds mal asseurez,
De cet outrecuidé demeurent enserrez,
Et lors sort vn Berger, qui le vient à supprendre.

Ainsi est il d’un sot qui ne se cognoit point:
Il s’embrouille si bien, qu’il se perd de tout point
A se haster par trop, & par trop entreprendre.



[O1r]
De se mesurer à son aulne.

{ill}

<bt>Ne cerche point les choses plus hautes que toy, & ne cerche point choses plus fortes que toy.</bt> <bv>Eccle. 3.22.</bv>



[O1v]
51

Du Coq & d’un Diamant.

SONET.

COmme vn Coq de paroisse estoit en quelque part,
A gratter à deux pieds & deuant & derriere,
Pour trouuer à manger dedens vne poussiere,
Qu’on auoit la iectée en vn champ à l’escart.

Voicy dessous ses pieds, sur le poinct qu’il l’espard
D’vn & d’autre costé, vne grande lumiere
D’vn Diamant brillant, comme l’auant courriere
Qui vient soudainement à toucher son regard.

Lors ce Coq le becquette, il le laisse, il l’enterre:
Si dict en le couurant: he! que sert ceste pierre?
Combien vn grain de bled, est bien de plus grand prix.

Par cecy peut on voir que c’est de l’ignorance
L’Homme dedens lequel elle faict demourance
Hait tousiours la science, & la mect à mespris.



[O2r]
Ne sçauoir vser de richesse.

{ill}

<bt>Quelle chose profite il au fol d’auoir richesses, veu qu’il n’en peut acheter sapience?</bt> <bv>Pro. 17.16.</bv>



[O2v]
52

Du Sanglier & de l’Asne.

SONET.

VN Sanglier reprochoit à l’Asne sa simplesse,
Qu’il sembloit qu’il fut faict pour estre entre les morts,
Tant estoit il deffaict, tant auoit il le corps
Fetart, lourd & pesant, & chargé de paresse.

Et mettant en auant vne gentille addresse,
Qu’il auoit entre tous, comme des plus accords,
Et qu’il tenoit son lieu au nombre des plus forts,
L’Asne à l’instant ainsi sa response luy dresse.

Il n’est point de besoin à l’Asne de courrir
Quand elle n’a point peur qu’on la face mourir,
Comme toy, duquel l’ame est tousiours poursuiuie.

Plusieurs blasment ainsi, sans aucune raison,
Les poures simples gens, mais sans comparaison
Qui sont bien plus heureux qu’ils ne sont en leur vie.



[O3r]
Folle presomtion.

{ill}

<bt>Que nous a profité l’orgueil? ou que nous a apporté la vanterie des richesses.</bt> <bv>Sap. 5.8.</bv>



[O3v]
53

Bataille des Oiseaux, & des bestes de la terre.

SONET.

AYans tous les Oiseaux par ensemble arresté
De donner la bataille aux bestes de la terre,
Ceste Chauue-souri craingnant en ceste guerre
La perte des Oiseaux, fut de l’autre costé.

Mais l’ost leger volant, par sa dexterité,
Dessus les animaux & de bec & de ferre
Les choquant, les pressant, les faict fuir grand erre,
Et la Chauue-souri pour sa desloiauté.

La miserable donc, depuis ceste rencontre
Iusqu’à ceste heur cy de jour plus ne se monstre,
Ny n’oseroit plus estre où nul des autres sont.

A cet exemple cy, au moins que tous ces maistres
De toute iniquité (ie parle de ces traistres)
Ne se monstrassent point tant hardiment qu’ils font.



[O4r]
Desloyauté encourt infamie.

{ill}

<bt>Qui n’est point auec moy, il est contre moy: & qui n’assemble auec moy, il espard.</bt> <bv>Matt. 12.30.</bv>
<bt>Quicunque faict choses meschantes, hait la lumiere.</bt> <bv>Ioan. 3.20.</bv>



[O4v]
54

Des Grenoüilles & de leur Roy.

SONET.

LEs Grenoüilles prioye<abb>n</abb>t qu’o<abb>n</abb> pourueust leur co<abb>n</abb>trée
D’vn prince debonnaire: à l’instant, à leur voix,
On leur iette en leur mare, vne piece de bois,
Qui faict dedens leur bourbe vne royalle entrée:

Les Grenoüilles voyant la face ainsi veautrée
De ce beau nouueau Roy (bien humain toutefois)
Non, nous voulons point, disent elles, des Roys
Ayant auecque nous vne ame ainsi poutrée.

On leur baille pourtant vn cicogneau, qui vient
En gober tout autant que la mare en contient,
Depeuplant ce Royaume, au parauant paisiblé:

Tout ainsi qu’il n’est rien au mo<abb>n</abb>de plus plain d’heur,
Que d’auoir vn bon Roy: ainsi d’un Roy tueur
On peut dire pour vray, qu’il n’est rien tant horrible.



[P1r]
Qui rejette vn bon Prince, en reçoit vn mauuais.

{ill}

<bt>Lequel faict regner l’homme hypocrite, à cause des pechez du peuple.</bt> <bv>Iob. 34.30.</bv>



[P1v]
55

Du Loup & du Cheureau.

SONET.

VNe cheure disoit par vn petit pertuis
A son ieune Cheureau, elle s’en allant paistre,
Qu’il n’ouurit point à d’autre: or vn gra<abb>n</abb>d vilain traistre
De Loup l’entendit lors, qui vient frapper à l’huis.

Ouurez (ce disoit il) vostre mere ie suis:
Ma mere (respond il) me donnoit à cognoistre
Vn certain mot de guet, qu’on ne me faict paroistre:
Mon enfant dict le Loup, souuenir ne m’en puis.

Aussi ay ie oublié ores d’ouurir la porte
(Ce respond le Cheureau) à qui parle en la sorte
Car ç’en est là la clef, & de tous noz secrets.

Ainsi qui n’entreprend de faire d’auantage
Qu’il n’a de mandement, ne peult auoir dommage,
Dont il se puisse au moins repentir puis aprez.



[P2r]
L’obeissance aulx bo<abb>n</abb>s pare<abb>n</abb>s preserue de mort.

{ill}

<bt>Honnore ton Pere & ta Mere (en les obeissant) à fin que tes jours soyent prolongez sur la terre.</bt> <bv>Exod. 20.12.</bv>
<bt>Et ne suiuront point vn estranger, mais s’en fuiront de luy, car elles ne cognoissent point la voix des estrangers.</bt> <bv>Ioan. 10.5.</bv>



[P2v]
56

Du Chien & de l’ombre.

SONET.

VN Chien alloit courant deuers vne riviere:
Or aduenant ainsi, qu’iceluy trauersoit
Son cours hastiuement sur vn pont fort estroit,
Tenant vn bon lopin sous sa dent macheliere,

Le Soleil rayonnait vne grande lumiere
Qui faisoit grossir l’ombre en ceste eau qu’il passoit,
Qui faict qu’aussi soudain que ce Chien l’apperçoit,
Il se jecte dans l’eau, mettant son bien arriere,

Voulaut donc engouler ceste ombre, il laisse choir
Son gros morceau de chair: & puis il est à voir
De l’eaue à son fin saoul, & du vent qui luy reste.

Ainsi le peu vaut mieux, & tenir seurement
Le bien qu’on peut auoir tousiours pour fondement,
Que d’embrasser beaucoup & perdre tout au reste.



[P3r]
Ne delaisser le seur pour l’incertain.

{ill}

<bt>L’auaricieux ne sera rassasié d’argent: & celuy qui aime les richesses ne prendra point aucun fruit d’icelles.</bt> <bv>Eccle. 5.9</bv>



[P3v]
57

Du Paysant & de la Forest.

SONET.

VN mauuais villageois trouuant dessous ses pas
Vne hache sans manche, aussi tost delibere
D’aller à la forest luy faire vne priere,
De luy en donner vn, & l’ayder en ce cas.

Ouy (dict la Forest) que nous ne voudrions pas
T’ayder d’un peu de bois, qui serue à ton affaire,
C’est le moindre plaisir que nous te voudrions faire:
Accomode toy donc, comme bien tu verras.

Cestuy ci donc ayant emmanché sa coignée,
Il a ceste Forest aussi tost dedaignée,
Rendant en peu de temps tout son plant abbatu.

C’est vrayment grand folie à cet homme, qui baille
Au meurtrier le baston, duquel il faut qu’il faille,
Que son dos porte coups en soit vn jour battu.



[P4r]
Aider autruy à son dommage.

{ill}

<bt>Fai bien a l’humble, & ne donne rien au meschant. Defen de luy donner du pain, qu’en iceluy il ne soit plus puissant que toy. Car tu trouueras doubles maux en tous les biens que tu luy auras faict.</bt> <bv>Eccle. 1 2.5.</bv>



[P4v]
58

Du Geay, qui se vestit des plumes du Paon.

SONET.

Vn Geay auoit trouué des plumes esgarées
D’une trouppe de Paons, à l’entour d’un buisson,
Dont il pense aussi tost à se donner leur nom,
Aprez auoir d’iceux ses plumes reparées.

Or les Paons qui voioyent sous leurs tresses dorées,
Que ce gallant de Geay faisoit du compagnon,
Ils le chassent adonc, pour son mauuais renom,
Ayant vn chascun deux ses plumes retirées.

Ce poure ainsi plumé, estant de là chassé,
Sen vient entre les Geays, dont il est delaissé,
Et non plus que les Paons n’en tiennent aucun conte.

Donc qui tranche du braue, & qui se va fourrant
Au milieu des milors pour faire là du grand,
En tout lieu n’en aura que blame & toute honte.



[Q1r]
N’estre bragueur du bien d’autry,

{ill}

<bt>Qu’est ce que tu as, que tu n’ayes receu? & si tu l’as receu, pourquoy t’en glorifies tu, comme si tu ne l’auois point receu?</bt> <bv>.2. Cor. 4.7.</bv>



[Q1v]
59

Du Cerf & des Boeufs.

SONET.

VN Cerf mis aux abboys par quelque chie<abb>n</abb>s coura<abb>n</abb>s,
Entre dans vne estbable, en laquelle il supplie
Des Boeufs attachez là de luy sauuer la vie,
Le gardant de la dent de ces chiens deuorans.

Las! tu viens (dict vn Beuf) à de poures garans
Liez comme tu vois: que si tu as enuie
Toutefois de te mettre en ce foin, ie t’affie
Que nous serons icy deuant toy demourans:

Ce disant vient entrer le maistre dans l’estable,
Et cerchant tout partout ce poure miserable,
Il le tue de coups, quand il l’a peu trouuer.

Ainsi est il qu’en vain le poure infirme implore
L’ayde de l’affligé: ainsi est il encore,
Qu’en vain le malheureux cerche de se sauuer.



[Q2r]
Confidence mal fondée.

{ill}

<bt>Et ont dit. Le Seigneur ne le verra point, Vous qui estes sans sapience entendez: celuy qui a formé l’oeil ne considerera il point?</bt> <bv>Psal. 93.7.</bv>



[Q2v]
60

Du Lion & d’autres bestes.

SONET.

CE Lion affamé s’en allant à la chasse
Auec vn fort Limier, vn Loup, & vn Regnart,
Prit vn Cerf à la course, & puis il le depart,
Ce qu’ayant faict en quatre, il parle ainsi d’audace.

Vn chascun de vous trois sçait bien de qu’elle race
Ie suis pardessus vous, dont j’auray ceste part:
Puis ce quartier plus grand, que voila mis à part,
M’est deu, ayant esté le premier à la trace:

La tierce, auray ie encor pour estre le plus fort:
Et l’autre, pour auoir mis aprez plus d’effort:
Et quand au demourant, c’est pour vostre salaire.

Pourtant qui veut se joindre auec les grans Seigneurs,
Fiers, cruels, ou nuisans, qu’ils supportent leurs meurs,
Et tout ce qu’ils voudront ou mal dire, ou mal faire.



[Q3r]
Se tenir auec ses pareils.

{ill}

<bt>Celuy pre<abb>n</abb>d charge sur soy, qui communique auec plus grand que luy’. Ne sois compagno<abb>n</abb> de plus riche que toy. En quoy communiquera le chauderon auec le pot de terre? Eccle. 13.2.3.



[Q3v]
61

Du Loup & de la Brebis.

SONET.

AVx plaids des animaux, pour vn trop long sejour
D’une debte, vn gros Loup faisoit vne poursuitte
Encontre vne Brebis, qui dict, à l’oppositte,
Qu’elle ne luy doit rien, repliquant à son tour.

Le Loup produit le Chien, l’Escoufle & le Vautour
Qui disent qu’il est vray: pourtant qu’elle merite
D’estre à jamais infame, & pour cercher la fuitte
De perdre tous ses biens, & mourrir a ce jour.

Sur cecy, la Brebis tasche de se deffendre:
Mais tous dans ce parquet ne la veulent entendre,
Ains elle & ses raisons ils reiettent bien loin.

Ainsi est il qu’on void le bien, l’honneur, la vie
Exposez en peril, se perdre, estre rauie,
Par le mortel rapport du meschant faux tesmoin.



[Q4r]
L’innocent opprimé en droit.

{ill}

<bt>Tu ne feras point d’iniquité: & ne jugeras point iniustement, & n’accepteras la personne du pauure, & n’honoreras la personne du grand, Iuge justement ton prochain.</bt> <bv>Leuit. 19.15.</bv>



[Q4v]
62

Des Lieures craignans sans cause.

SONET.

Vne grosse Forest, de grans vens tempestée,
Donnoit vne gra<abb>n</abb>de peur aux Lieures de ces lieux:
Lesquels, en s’enfuyant, trouuent deuant leurs yeux
Vne mare, laquelle a leur course arrestée.

Or y voyans tout coy, & la riue hantée
De Reines, se plongeons dedens son fond fangeux,
Pensans estre grand cas qu’on fuye deuant eux,
Ils ont soudainement leur craincte rejectée:

Courage (disent ils) aprenons à sçauoir
Sans nous troubler ainsi, quel est nostre pouuoir,
Quand nous voyo<abb>n</abb>s, qu’icy nous sommes redoutables.

L’homme lasche & poltron en la guerre pre<abb>n</abb>d coeur,
Quand il sçait deuant luy qu’un autre fuit de peur
O qu’en void en tous lieux de gendarmes semblables.



[R1r]
Hardiesse pleine de honte.

{ill}

<bt>Ne craignez point ceux qui tuent le corps, & ne peuuent tuer l’ame: mais plutost craignez celuy qui peut perdre l’ame & le corps en la gehenne.</bt> <bv>Matt. 10.28.</bv>



[R1v]
63

Du Regnard & des Grappes de Raisins.

SONET.

VN Regnard qui voyoit en vne belle traille,
Sous vn pampre tout vert vn bo<abb>n</abb> raisin tout meur,
Que voicy (disoit il) vn lieu plain de grand heur,
Abondant en tout bien, & fertil à merueille.

Mais faisant ce deuis, & comme il s’appareille
De trouuer les moiens d’en prendre du meilleur,
Il sent qu’ils sont trop hauts: lors sous ceste couleur
Quils n’estoient encor bons, ainsi il se conseille:

De prendre tant de peine en ces lieux tous desers
Que gaigne-ie? aussi bien ces raisins sont trop vers:
Meury donc, o verjus, qu’à grand tort ie desire.

C’est ordinairement qu’on void de mesmes gens:
S’ils sont frustrez du bien qu’ils cherchoie<abb>n</abb>t de long te<abb>m</abb>ps,
Ils y trouuent tousiours quelque chose à redire.



[R2r]
Feindre ne vouloir ce qu’on ne peut auoir.

{ill}

<bt>Le fol monstre incontinent son ire: mais celuy qui dissimule l’iniure, il est fin.</bt> <bv>Pro. 12.17.</bv>



[R2v]
64

D’un Singe & d’un petit Chat.

SONET.

VN tout fantasque Singe eust vn fort grand desir
De ma<abb>n</abb>ger des marro<abb>n</abb>s, qu’on mettoit dans la ce<abb>n</abb>dre:
Là estoit vn Chatton duquel il alla prendre
La patte de deuant, puis les tire à loisir.

Le petit Chat qui sent la chaleur le saisir
Dict, Escoute vn peu Marmot, tu deburois bie<abb>n</abb> ente<abb>n</abb>dre
Que j’ay ma foeble peau, pour le moins, aussi tendre
Que la tienne, & pourtant ne me fay desplaisir.

Mais ce dict le Marmot, nul ne vit sans rien faire:
Dequoy donc te plains tu, qua<abb>n</abb>d mesme en cet affaire
Il ne se peut trouuer de trauail plus leger.

Tel donc employe autruy iusques à sa personne,
Lequel ce temps pendant au peril l’abandonne
En se gardant tres bien d’approcher du danger.



[R3r]
Ne nuire autruy pour son profit.

{ill}

<bt>Ceux ci font taches en leurs banquets, banquetans sans crainte, se repaissans eux mesmes: nues sans eau emportées des vents ça & là:</bt> <bv>Epist. Iude.</bv>



[R3v]
65

Du Cheual & de l’Asne.

SONET.

VN fort ieune Cheual se dolentoit sans cesse,
Pour vn pesant fardeau qu’il auoit tous les jours
A trainer, auec ayde, à tours & à retours,
Toutefois sous vn maistre eslongné de rudesse.

Mais rencontrant vn Asne en sa longue vieillesse
Tirant vn char chargé, sans auoir nul secours,
Et l’homme encor dessus, qui le frappoit tousjours,
Il se consolle ainsi, en sa grande destresse.

Helas qu’en mon labeur heureux encor ie suis,
Si tant soit peu ie pense aux estranges ennuis
Bien plus gra<abb>n</abb>s que les miens que ce poure Asne traine!

C’est encor quelque chose, en son affliction,
De veoir vn autre auoir pire condition
Pour porter en ses maux plus aisément sa peine.



[R4r]
Poure & piteux soulagement.

{ill}

<bt>Veu aussy que Christ a souffert pour nous, vous laissant vn patron, à fin que vous ensuiuiez ses pas.</bt> <bv>1. Pet. 2.21.</bv>



[R4v]
66

Du Mareschal & de son Chien.

SONET.

VN Mareschal suant sous les coups de marteau,
Pour gaigner pourement sa grosse nourriture,
Lors que pour empescher le defaut de la nature
Il faisoit son repas & de pain bis, & d’eau.

Son Chie<abb>n</abb> venoit tousiours demander son morceau,
Mais son maistre luy dict: Ie pene outre mesure
Pour ayder à ma vie, & je n’ay que i’endure
Tu te fais gros & gras, & je n’ay que la peau,

Sur quoy le Chien disoit: que veux tu que ie face,
Puis qu’en viuant ainsi, ainsi le temps ie passe,
Et que sans travailler ie me trouue fort bien?

Ainsi void on assez de semblable canaille,
A laquelle il faut bien que tous les iours on baille
A manger grassement, & ne fait du tout rien.



[S1r]
Qui ne trauaille, ne mange aussy.

{ill}

<bt>Car aussy quand nous estions auec vous, nous vous denoncions, que si quelqu’un ne veut besoigner, il ne menge point aussy.</bt> <bv>2 Thes. 3.10.</bv>



[S1v]
67

Du Renard qui auait perdu sa queüe.

SONET.

VN Regnard eschappé d’une estable champestre,
Où il perdit sa queüe, en vn jour rencontra
Bon nombre de Regnars, ausquels il remonstra
Qu’au temps qui couroit lors sans queüe on debuoit estre.

Vrayment (dict vn Regnard) ouy pour vous nostre maistre:
Si la vostre reuient,vn chacun cognoistra
Que vostre beau derriere ainsi ne se verra,
Pour encore en ce te<abb>m</abb>ps s’il vous plaist vous submettre.

Et bien, respondit lors , le Regnard escoüé
Mais quand vn seul de vous ne seroit point quoüé
La terre pour cela n’en sera pas deserte.

Ainsi void on tousjours ces poures malheureux:
Qui voudroyent qu’un chascun fut en la sorte qu’eux,
S’ils sont tombez en faute, ou bien en quelque perte.



[S2r]
Conseiller autruy pour son bien.

{ill}

<bt>Le iuste nous est grief aussi à le regarder: pource que sa vie est differente à celle des autres.</bt> <bv>Sap. 2.15.</bv>



[S2v]
68

De l’Aubereau & des autres Oiseaux.

SONET.

Aux meilleurs Oiselets l’Aubereau fit sçauoir,
Qu’il vouloit celebrer le jour de sa naissance:
Pour tant il les prioit qu’en ayant cognoissance
Ils y vinssent tantost pour les bien receuoir.

On ne leur a donc pas au plustost faict sçauoir,
Que ces poures Folets en grande esiouissance
Ne viennent deuers luy, cercher la iouissance
Des banquets & et des jeux qu’il pensoient bien y veoir.

Mais estans arriuez ce Haubereau les happe
Les despece & meurtrit & pas vn seul n’eschappe
Qui ne soit pour seruir à son cruel desir.

Puis qu’on se laisse auoir par ces belles paroles
De nopces, de festins, de fauts & de caroles
Ou l’on trouue la mort pour la fin du plaisir.



[S3r]
Poison dedens le sucre.

{ill}

<bt>Leur gosier est vn sepulchre ouuert, ilz faisoyent fraudeleusement de leurs langues.</bt> <bv>Psal. 13.4.</bv>
<bt>Desquelz la bouche est pleine de malediction & d’amertume: leur pieds sont legiers à respandre sang.</bt> <bv>Psal. 13.5.</bv>



[S3v]
69

Du Lion enuieilly.

SONET.

VN Lion fit beaucoup de mal en son jeune aage,
Mais quand il deuint vieil, le poure le langoureux,
N’ayant plus de pouuoir, trouua force hayneux,
Qui se plaisoyent sans peur de luy faire dommage.

Il n’est plus question ny d’honneur ny d’hommage,
Quand encor on voioit vn Pourceau tout fangeux,
Vn Asne tout pelé, vn Taureau courageux
Luy faisans à l’enuy toute forte doutrage.

Las! disoit le Lion , que mal ie me suis mis
A faire, vn temps qui fut, tant & tant d’ennemis,
Et que c’est par trop tard que ie vien à m’en plaindre.

Les grans doiue<abb>n</abb>t sçauoir que le temps doit changer,
Qu’il ny a point pourtant de plus certain danger,
Que de haïr autruy, & de se faire craindre.



[S4r]
C’est tout que de se faire aimer.

{ill}

<bt>Ceux qui te verront se tourneront vers toy & te regarderont: N’est ce pas cet homme icy qui troubloit la terre? lequel a oppressé les Royaumes?</bt> <bv>Isai. 14,16.</bv>



[S4v]
70

Du Bouc, de l’Aigneau & du Loup.

SONET.

VN Bouc & vn Aigneau s’estans donnez la foy,
Trouuent vn meschant Loup dedens vne prairie,
Venant sous vn parler, tout plein de piperie,
Dire ainsi à l’Aigneau qui trembloit d’effroy.

Mon fils quitte ce Bouc, & t’en vien auec moy:
Vn Bouc puant ne faict que toute fascherie:
Vois tu qu’il est cornu, que s’il entre en furie,
Comme il faict tous les jours: pouret, c’est faict de toy

Mais le Bouc tout gaillart marchant d’un braue pas
Dict ainsi à ce Loup, passe outre, ou tu scauras
Qe ce n’est pas en vain qu’un furieux menace.

Qui s’accompagne donc de toutes gens de bien,
Ne peut estre en danger: ny se trouuer en place
Qu’a rencontre qu’il ait tout ne luy tourne à bien.



[T1r]
Voy bien auec qui tu te mects.

{ill}

<bt>Mon filz, si les pecheurs te vueillent attraire, ne leur consens point.</bt> <bv>Pro. 1. 10.</bv>

<bt>Sois continuel auec l’homme sainct, quel qu’il soit, que tu cognoistras garder la craincte de Dieu, duquel l’ame est selon ton ame.</bt> <bv>Eccle. 37.15.</bv>



[T1v]
71

De la Mousche & de la Fourmy.

SONET.

LA Mousche se vantant de sa belle demeure,
Et disant au Fourmy, que mesme tout le bien,
Iusqu’au manger des Roys, à son vueil, estoit sien,
L’autre respond sans plus , que pour viure il labeure.

C’est vie de Cheual (ce dict la mouche à l’heure)
De trauailler tousiours: & de ne faire rien
(Respondit le Fourmy) c’est la vie d’un Chien,
Ou d’un vilain Pourceau: & laquelle est meilleure?

Aprez tous ces debats , l’Hyuer vient , tout grison,
Soubs lequel meurt la Mouche, allors qu’en sa maison
Le Fourmy mangeoittoit son petit ordinaire.

Il est donc plus heureux qui faict vn petit train,
Et par ce moien gaigne honnestement son pain,
Que de cercher son aise & ne vouloir rien faire.



[T2r]
Preferer profit à plaisir.

{ill}

<bt>O paresseux, va au formy & aduise ses voyes, & apren sapience. Laquelle combien qu’elle n’ait ne docteur , ne maistre, ne prince, elle appareille en esté sa prouision, & assemble en la moisson ce qu’elle doibt manger.</bt> <bv>Pro. 6.6</bv>



[T2v]
72

Le Dragon & l’Elephant.

SONET.

LE Dragon cauteleux, d’vne nuisante enuie,
Aborde l’Elephant, qu’il tasche à oppresser:
Et pour plus aisement contre luy se dresser,
Les jambes (de sa queüe) à l instant il luy lie.

Tandis que l’Elephant de soin groin se deslie,
Le Dragon sur son col est promt à s’eslancer,
A fin qu’il puisse mieux tout le sang luy sucer:
Duquel estant rempli, en affame sa vie.

Or aussy l’Elephant s’affoiblit chancellant,
Tellement, que des pieds le Dragon va foulant,
Plus de mal luy faisant qu’il n’en reçoit luy mesme.

Les sanguinaires font aux innocens ainsy,
Leur suceans chair & sang sans pitié ny mercy:
Mais ils en ont en fin angoisse plus extreme.

E. VV.



[T3r]
Le Tyran n’est exempt de peine.

{ill}

<bt>Mais toy Dieu tu les meneras au puitz de perdition. Les ho<abb>m</abb>mes espandans sang, & pleins de tromperie, ne paruiendront point à la moitié de leurs jours.</bt> <bv>Psal. 54.24.</bv>



[T3v]
73

L’Ours & les Abeilles.

SONET.

VN Ours ayant mangé du miel, quil appetoit,
Des Abeilles il fut piqué d’estrange sorte:
De quoy fort irrité, les ruches il transporte,
Tout ce dessus dessoubs, pour le mal qu’il sentoit.

Les Abeillettes lors, voyans qu’ainsi estoit
Renuersé leur manoir, d’une rigueur plus forte
Le viennent assaillir, dont il se desconforte:
Mais pour sa dure peau l’assaut mieux il portoit.

Or sa teste, ses yeux, son museau, ses oreilles
Furent si bien traitez de ces fieres Abeilles,
Qu’en amer fut changé le doux de son manger.

Mieux m’eust valu (dict il) porter vne pointure,
Que pour m’estre vangé souffrir peine si dure:
Qui peut souffrir vn peu, fait mieux que se vanger.

E. VV.



[T4r]
Ne chercher son malheur.

{ill}

<bt>Qui recommencera à raconter sa misericorde?</bt> <bv>Eccle. 18.3.</bv>



[T4v]
74

Le Corbeau & le Scorpion.

SONET.

CE Corbeau, qui auoit du Scorpion senti
Le dangereux venin, à s’en vanger il tasche,
Et prend le Scorpion, qui tellement se fasche,
Qu’apres s’en est trop tard le Corbeau repenti:

Car il est de douleur si fort appesanti,
Pour le mortel venin, qui à son corps s’attache,
Et deuient peu à peu si debile & si lasche,
Qu’il se trouue à la fin confus & amorti.

S’il se fust appaisé à sa peine premiere,
Pas il n’eut enduré ceste angoisse derniere:
Il fait mauuais se prendre à plus mauuais que luy.

Tel se pense vanger, qu’autre de luy se vange:
Qui tasche à faire mal reçoit mal, en eschange,
Et souuent est vaincu, qui pense vaincre autruy.

E. VV.



[V1r]
Qui se vange il endure.

{ill}

<bt>Ne dis point, ie luy feray ainsi qu’il m’a faict, & ie rendray à vn chacun selon son oeuure.</bt> <bv>Pro. 24.29.</bv>



[V1v]
75

Le Loup en habit de Brebis.

SONET.

EN habit de Brebis vn Loup s’alla vestir,
Tant estoit cauteleux, & remply de malice:
Puis en ce point s’en va (contrefaisant le nice)
Mettre auec les Brebis, sans d’elles se partir.

Il les accompagnoit à entrer & sortir,
Et tandis les meurtrir, estoit son exercice.
Si tost que le Berger conneut son malefice,
Le va prendre à vn arbre ainsi,sans deuestir.

Autres Bergers iugeoyent que c’estoit vne oüaille,
Mais le conaissans Loup dessous son vestement,
Dirent que selon l’oeuure on a son payement.

Tel semble estre bien bon, que ce n’est rien qui vaille,
Bien que de saincteté il semble estre vestu:
Souuent l’impieté se couure de vertu.

E. VV.



[V2r]
On conoit l’arbre au fruit.

{ill}

<bt>Or donnez vous garde des faux Prophetes, qui viennent à vous en vestemens des Brebis, mais pardedans sont Loups rauissans.</bt> <bv>Mat. 7.15.</bv>



[V2v]
76

Le Loup & l’Herisson.

SONET.

VN Loup tout affamé vint contre vn Herisson,
Le pensant deuorer, mais approcher n’en ose,
Le voyant bien armé: & pourtant il propose
De parler auec luy d’une douce facon.

Escoute ami (dit il) & enten ma leçon:
Il est paix, & la faut garder, sur toute chose.
Mets donc les armes bas, & seurement repose,
Car ie n’ay pour te nuire aucune marisson.

Non, non (dit l’Herisson) ie veux garder mes armes,
Contre ceux qui viendront me faire aucuns alarmes:
L’vne espée retient l’autre dans le fourreau.

Il est fort & prudent, qui à soy bien regarde,
Ne croyant les trompeurs, & qui est sur sa garde
Lors que son ennemy, se faignant, parle beau.

E. VV.



[V3r]
Ne se fier à l’ennemy.

{ill}

<bt>Soyez sobres, & veillez: d’autant que votre aduersaire le diable chemine comme vn Lion bruya<abb>n</abb>t à lentour de vous chercha<abb>n</abb>t qui il pourra engloutir.</bt>.<bv>Pet .5.8.</bv>



[V3v]
77

l’Herisson & le Serpent.

SONET.

Vn Herisson s’adresse au serpent, & luy prie
Qu’il le laisse auec luy (l’hiuer) en paix loger,
L’accord fait, il y va: mais par trop se bouger,
En virant & roullant, au Serpent il ennuye.

Tu ne deurois (dit il) me faire fascherie,
En me piquant ainsi, c’est par trop m’outrager.
Ce lieu est fort estroit, veuilles donc desloger:
I’ayme mieux estre seul, qu’à telle compagnie.

Mais puis que tu ne peux ma presence endurer,
Dit l’Herisson, va t’en, sans icy demeurer.
Le Serpent, pour son bien, va chercher autre place.

Tel pense estre seigneur, qui n’est que seruiteur.
Ainsi aduient à ceux qui font à maints faueur,
Pour les voir gens de bien seulement à la face.

E. VV.



[V4r]
Il vaut mieux seul qu’à mauuaise co<abb>m</abb>pagnie.

{ill}

<bt>N’introduits point tout homme en ta maison: car les trahisons du cauteleux sont diuerses.</bt> <bv>Eccle. 11.31.</bv>



[V4v]
78

Le Chameleon.

SONET.

LE Chameleon prend de l’air sa nourriture,
Ouure tousiours ses yeux, les griffes aspres sont,
En toute autre couleur à se changer est promt,
Mais il ne prend jamais rouge ou blanche tainture.

Les flatteurs ont aussy vne telle nature,
Presque il viuent de rien,comme semblant ils font:
Mais chez les grands Seigneurs journellement ils vont
Faire mille rapports, pour y auoir pasture.

Plus souuent de propos changent ces battelleurs,
Que le Chameleon ne change de couleurs:
Et pourtant vn chacun n’en deuroit tenir conte.

Comme ils ne changent pas en rouge ny en blanc
Iaçoit qu’en tous leurs dicts il n’y ait rien de franc,
Aussi n’ont ils jamais ny pureté ny honte.

E. VV.



[X1r]
l’Homme double de coeur est inconstant en ses voyes.

{ill}

<bt>Ceux qui disent au meschant, tu es Iuste: les peuples le maudiront, & les lignées les auront en detestation.</bt> <bv>Pro. 24.24.</bv>



[X1v]
79

Le Belier & le Taureau.

SONET.

Vn Belier mieux cornu que les autres n’estroyent,
De tous ses compagnons voulait estre le maistre,
Les tenans si subiects, que nul d’eux n’osoit paistre
Sans luy porter honneur, telle crainte en auoient.

Voyant donc que ceux cy tellement l’honnoroient,
Tant accreut son orgueil, qu’il s’osa bien promettre,
Que d’autres animaux se viendroient aussy mettre
En sa subiection, & luy obeyroient.

Or il void vn Taureau, lequel il veut combattre:
Et luy donnant le choc, le pensoit bien abbatre:
Mais tout à coup il fut (lui mesme) rué bas.

Aucuns de bas estat, tant seulement ne greuent
Leurs pareils, mais aussy contre les grands s’esleuent:
Et de l’orgueil qu’ils ont ne se conoissent pas.

E. VV.



[X2r]
Se conoistre soy mesme.

{ill}

<bt>Ton arroga<abb>n</abb>ce & l’orgueil de to<abb>n</abb> coeur t’a deceu: toy qui demeures és cauernes de la pierre, & t’efforces de prendre la hautesse de la petite mo<abb>n</abb>taingne.</bt> <bv>Iere. 49.16.</bv>


[X2v]
80

La Poule & ses Poulsins.

SONET.

Ces trois Oiseaux de proye auisans vne cage
Et vne Poule aupres, qui ses poulsins gardoit,
Voletoyent à l’entour, car chascun pertendoit
Les rauir, mais la Poule empescha ceste rage.

Contre ses affamez elle print tel courage,
Et si soigneusement la cage enuironnoit,
Qu’en voulans approcher elle les estonnoit,
Se deffendant si bien, qu’elle n’eut nul dommage.

Elle auance le bec contre ces ennemis
Et se met au hasard, pour garder ses petits,
Qui par elle sont mis en plus grande asseurance.

Il faut deffendre ainsi contre tous rauisseurs,
Les pauures innocens, & les rendre plus seurs:
Qui se sent oppressé, souhaite deliurance.

E. VV.



[X3r]
Defendre les innocens.

{ill}

<bt>Aprenez à bien faire. Querez iugement, aidez celuy qui est oppressé, faites iugement pour l’orphelin, Defendez la vefue.</bt> <bv>Isa. 1.17.</bv>



[X3v]
81

Le Laboureur & la Souri.

SONET.

VN Laboureur plaisant, qui volontiers buuoit,
De sa Natiuité faisoit tous les ans feste:
Et lors deuant sa Ferme, ayant le boire en teste,
Faisoit faire vn grand feu, voila comme il viuoit.

Le vent,, de grand mechef, vn coup si fort soffloit,
Que sa maison brula, & n’en n’eschappa beste:
Le Laboureur voyant vne Souri ia preste
A s’eschapper, la iette,, au feu, que tout bruloit.

Beste ingrate, dit il, moy viuant en delices,
Tu receuois chez moy beaucoup de benefices,
Veux tu m’abandonner en ma necessité?

Faisant grand chere, on a beaucoup d’amis de table:
Mais si fortune tourne, ô chose bien notable!
Ils delaissent l’amy en son aduersité.

E. VV.



[X4r]
On conoit l’amy au besoin.

{ill}

<bt>Aucun est amy selon son temps, & ne demeurera point au iour de la tribulation.</bt> <bv>Eccle. 6.8.</bv>
<bt>Aucun aussi est amy, compagnon de table: mais il ne demeurera pas au iour de necessité.</bt> <bv>Eccle. 6.10.</bv>



[X4v]
82

L’Oiseleur & le Pinson.

SONET.

VN auide Oiseleur allant ses filez tendre,
Pour prendre des Oiseaux en grande quantité,
Tout soudain son amorce en la place à ietté,
Puis apres il s’assied, pour tant mieux les attendre.

Il en vient par raison, mais il ne les veut prendre,
Esperant d’en auoir à plus grande planté.
Et pour les attirer mieux à sa volonté,
Il seme plusieurs fois de son amorce tendre.

Passant ainsi le iour, le soir vint, tellement,
Qu’en sa ret ne retint qu’vn Pinson seulement,
Ayant laissé voler le meilleur de sa prise.

Les auaricieux, qui traffiquent ainsi,
Et veulent trop auoir, n’ayans du peu soucy,
Sont bien souuent deceuz par leur chiche entreprise.

E. VV.



[Y1r]
Qui refuse, apres muse.

{ill}

<bt>Il te souuienne de ton createur ès iours de ta jeunesse, deua<abb>n</abb>t que le temps de ton afliction vienne, & que les ans approchent, desquelz tu dies: ilz ne me plaisent point.</bt> <bv>Eccle. 12.1.</bv>



[Y1v]
83

Le Paysan & le Satyre.

SONET.

VN Paysan trouuant vn Satyre en vn bois,
Qui de froid tremblotoit, à sa maison le meine.
Y estans arriuez, le Paysan met peine
A souffler en ses mains, pour reschauffer ses doigts.

La femme à chacun d’eux, ainsi comme tu vois,
Donne de papin chault vne escueille pleine.
Le pauure Paysan, de volonté soudaine,
Pour plus tost estre froid, le souffle plusieurs fois.

Le Satyre esbahy, trouue cela estrange,
Que la chaleur en froid d’vne bouche se change:
Parquoy il commença à soupçonner, disant:

Tel a le feu en main, qui l’eau en l’autre porte:
Garder se faut de ceux, qui font en telle sorte:
Tel monstre beau semblant, qui tasche estre nuisant.

E. VV.



[Y2r]
Ne croire legerement.

{ill}

<bt>Vne fontaine iette elle d’un mesme pertuis eau douce & amere? Mes freres, vn figuier peut il produire des raisins? Ou vne vigne des figes? ainsi nulle fontaine ne peut faire eau salee & douce.</bt> <bv>Iacob. 3.11.</bv>



[Y2v]
84

Le Rat domestique & l’Ouytre.

SONET.

Quelque Rat de maison, tousiours à ses repas,
Pour se saouler, auoit mainte viande exquise:
Tellement qu’il viuoit en toute friandise,
Et si auec cela ne se contentoit pas.

Car en pensant trouuer d’autres meilleurs appas
Il s’en va en la mer, ou vne Ouytre il auise
Bien grasse, à son auis: lors meu de connoitise,
Pour la prendre & manger il auance le pas.

Or, l’Ouytre estant touchée à se fermer fut preste,
Si bien qu’au pauure Rat elle enserra la teste:
Pensant prendre il fut pris, & se trouua domté.

Plusieurs n’estans contens d’estre bien à leur aise,
Cherchent (sans y penser) auenture mauuaise,
Pour ensuyure par trop leur folle volonté.

E. VV.



[Y3r]
Qui est bien, ne se bouge.

{ill}

<bt>Et la Chair estoit encore entre leurs dents, deuant que telle viande fut faillie. Et voicy la fureur du Seigneur esmeuë contre le peuple, & le frappa d’une tres grosse playe.</bt> <bv>Num. 12.23.</bv>



[Y3v]
85 (86)

L’Aigle & le Limaçon.

SONET.

VN Limaçon promet vne Gemme excellente
A l’Aigle, & qu’en l’air, haut, le porte seurement:
Car de ramper ainsy continuellement
Sur la terre (dit il) ce n’est plus mon entente.

L’Aigle le porte haut, sans faire longue attente:
Ou il eut du plaisir, mais gueres longuement,
Car elle demanda bien tost son payement,
Mais le pauuret n’eut pas pour la rendre contente:

Dont pleine de courroux tellement l’estraignit,
Qe de fort lamenter elle le contraignit:
Qui n’a rien pour donner, il ne doit rien promettre.

Si plusieurs demeuroient en leur estat contens,
Sans s’esleuer trop haut, ils auroyent meilleur temps,
Qu’à la merci d’autruy leur vie en danger mettre.

E. VV.



[Y4r]
Qui promet, doit.

{ill}

<bt>Ne veuille point en moult de manieres enquerir choses superflues.</bt> <bv>Eccle. 3.24.</bv>



[Y4v]
86

L’Escoufle, & le Coucou.

SONET

D’Vn Coucou se mocquoit vne Escoufle, disant,
Qu’il n’osoit rien manger que vers par couardise:
Il aduint peu apres, que l’Escoufle s’aduise
De rauir des Pigeons, où il est s’amusant:

Tandis vn villageois, qui ne fut trop musant,
L’attrape dans sa ret: puis ayant cette prise,
Au plus haut d’vne tour honteusement l’a mise,
Pour estonner tout autre ainsi que luy faisant.

Voire (dit le Coucou) le voyant ainsi pendre,
Si tu eusses voulu (comme i’ay) apprendre
A ne manger que vers, on ne t’eust pas là mis.

Il vaut mieux seurement en sobrieté viure,
Que hazarder sa vie, & son appetit suiure:
Tousiours en mal faisant on a des ennemis.

E. VV.



[Zr1]
Les mocqueurs sont mocqueZ.

{ill}

<bt>Plusieurs sont morts en gourmandise: mais celuy qui s’abstient alongera sa vie.</bt> <bv>Eccles. 37.34.</bv>



[Z1v]
87

Le Milan, & le Rossignol.

SONET

VN Milan fort puissant, prest à faire dommage,
Rauit vn Rossignol, qui le prie humblement
De le prendre à mercy, & que soigneusement
Il fera son deuoir de luy porter hommage.

A quoy me pourrois-tu faire quelque auantage,
Demande le Milan, dy-le-moy promtement?
A chanter deuant toy melodieusement,
(Rspond le Rossignol) ie ne sçay autre ouurage.

Non, non dit le Milan, cela ne me duit pas,
Ton chant ne me sauroit contenter de repas:
A vn ventre affamé le chant n’est delectable.

Vn chacun peut assez cognoistre par cecy,
Qu’il faut premier auoir du principal soucy,
Laissant, pour son profit, ce qui n’est profitable.

E. VV.



[Z2r]
La faim fait mespriser la ioye.

{ill}

<bt>Mais il leur dit: N’aues vous point leu ce que fit Dauid, ayant faim, & ceux qui estoient auec luy?</bt> <bv>Matth. 11.3.</bv>



[Z2v]
88

Le Rustique, & la Coleuure.

SONET

EN Hyuer, sur la neige, vn Paysan trouua
Vne Couleuure, estant (de froid) à demi morte,
De pitié qu’il en eut à sa maison l’emporte,
Où en la reschauffant la vie luy sauua.

Ayant senti le chaut, soudain elle s’en va
Toute emplir sa maison du venin qu’elle porte.
Suis ie recompense de toy en telle sorte,
Ce dit le Paysan? que fort elle greua.

Lors prend vne coignee, & frappe de grand’force:
Mais la Couleuure aussi à le tuer s’efforce.
D’vne fiere rigueur luy iettant son venin.

C’est grande ingratitude, & trop dangereux vice,
Faire mal à celuy qui luy a fait seruice:
Il va bien quand on est l’vn à l’autre benin.

E. VV.



[Z3r]
Ne rendre mal pour bien.

{ill}

<bt>Celuy qui rend maux pour biens, le mal ne se partira point de sa maison.</bt> <bv>Prouerb. 17.13.</bv>



[Z3v]
89

L’homme & le Lion.

SONET

VN homme & vn Lion, ensemble deuisans
De leur force & vertue, en vn lieu arriuerent,
Où vn Lion taillé dans vn Pilier trouuerent,
Qu’un homme auoit occis, ce qu’ils sont auisans.

Lhomme de l’homme alors loua les faicts cuisans,
Monstrant, qu’à ce Lion ses forces trop greuerent.
Or en fin, peu à peu, si fort ils estriuerent.
Que l’homme du Lion sentit les coups nuisans.

Or fus, dit le Lion, puis qu’ainsy tu te vantes,
La force tu sauras de celuy que tu hantes:
Et l’ayant abbatu, lui fit souffrir la mort.

Vn glorieux vanteur, qui ne cesse de dire
A vn chacun ses faits, & louange en desire,
Sent souuent l’aiguillon d’un autre, qui le mord.

E. VV.



[Z4r]
Tel se vante qui se trompe.

{ill}

<bt>Il a besongné puissamment par son bras, il a dissipé les orgueilleus en la pensee de leur coeur.</bt> <bv>Luc. 1.51.</bv>



[Z4v]
90

Le Lion, le Renard & l’Asne.

SONET

LE Lion, le Renard, & l’Asne alloient chasser,
Pour auoir quelque proye ensemble, & l’aya<abb>n</abb>t prise,
L’Asne de la partir entr’eux fit entreprise,
Dont le Lion fasché va l’Asne despecer.

Puis il dit au Renard, sans plus outre passer,
Qu’en deux parties fust, par luy, la proye mise.
Le fin Renard faisant la charge à luy commise,
Voulut la plus grand’part au Lion compasser.

Vien ça (dit le Lion) mais qui t’a fait si sage?
Le mal d’autruy (dit il) m’en a esté presage:
Craingnant d’estre traitté comme cet Asne là.

Auec plus grand que luy iamais ne se faut mettre,
Y pensant estre franc, ny courroucer son maistre:
Sage est qui se sçait bien gouuerner en cela.

E. VV.



[Aa1r]
Faire bien par le mal d’autruy.

{ill}

<bt>En quoy communiquera le Chauderon auec le pot de terre, car quand ils s’entrehurteront, le pot sera rompu.</bt> <bv>Eccles. 33.</bv>



[Aa1v]
91

Le Renard & le Lion.

SONET

LE Renard vid de loin vn fier Lion venir,
De quoy tout fremissant, d’vne peur qui le presse,
Il se prit à fuir de si roide vitesse,
Qu’à grand’peine on l’eust sceu dvn fort lieu tenir.

Autre fois le trouuant, se sceut mieux retenir,
Entremeslant sa crainte auec sa hardiesse.
Mais à la tierce fois sans crainte à lui s’adresse,
D’autant quil le voyoit si d’oux de maintenir.

Lors, depuis en auant frequenterent ensemble:
Ainsy aux Estrangers peu à peu on s’assemble,
Mais il est mallaisé de le faire en vn iour.

Vser discretement de bonne accoustumance,
Fait acquerir des grans priuee conoissance.
Car (ainsy comme on dit) hantise fait l’amour.

E. VV.



[Aa2r]
S’appriuoiser prudentement.

{ill}

<bt>Conversez en crainte, durant le temps de vostre pelerinage temporel.</bt> <bv>I. pet. 1.17.</bv>
<bt>Amis, ie vous supplie comme estrangers & voyagers, abstenez vous de desirs charnels, qui bataillent contre l’ame, ayant vostre conuersation honneste entre les gentils.</bt> <bv>I. Pier.2.11.12.</bv>



[Aa2v]
92

Le Lion, le Sanglier, et le Vaultour.

SONET

VN Lion recontrant vn Sanglier en sa voye,
Se prit à l’aissaillir bien surieusement.
Le Sanglier courageux, resiste vaillamment,
Et combat le Lion, pour ne lui estre en proye.

Vn Vaultour les voyant, ia tout raui de ioye,
Esperoit qu’vn diceux mouroit subitement,
Et qu’il s’en repaistroit à son commandement,
Mais à les regarder pour neant il s’emploie.

Car les deux champions, estans fort contre fort,
Tous lassez de combattre, ayans fait leur effort,
Cessent, et le Vaultour triste auec faim demeure.

Cestui là qui attend quelque bien incertain,
Souuent il est deceu d’vn espoir trop soudain:
Sage est, qui (bien faisant) sur tout en Dieu s’asseure.

E.VV.



[Aa3r]
Ne s’esiouyr trop tost.

{ill}

<bt>L’esperance de l’hypocrite perira.</bt> <bv>Iob. 8.13.</bv>
<bt>Les yeux des meschans defaudront, et ne pourront eschapper , & l’esperance d’iceux sera abomination à l’Ame.</bt> <bv>Iob. 11.20.</bv>



[Aa3v]
93

Le Loup, & le Renard.

SONET

VN Loup gras, plein de biens, en son terrier estoit:
Le Renard le va voir, mais c’est pour sa viande:
Et en parlant à luy, auec finesse grande,
Luy demanda, pourquoy les champs il ne hantoit.

Or voiant bien qu’au Loup ce propos despitoit,
Au Berger il s’en va, et le luy recommande:
Monstrant ou il estoit, sans qu’il en fist demande
Dont le Loup fut occis, qui pas ne s’en doutoit

Le Renard sen va lors manger tout à son aise
Tout le bien de ce Loup, et son desir appaise:
Mais comme il s’en alloit, fut des chiens deuoré.

Ainsi fut-il repeu, aux despens de sa vie:
Ainsi sur l’enuieux tombera son enuie:
Et diffamant autruy, sera deshonnoré.

E. VV.



[Aa4r]
N’estre enuieux du bien d’autrui.

{ill}

<bt>L’homme qui a haste d’estre riche, & a enuie sur les autres, il ignore que disette luy suruiendra.</bt> <bv>Pro. 20.22</bv>



[Aa4v]
94

Le Renard prisant la chair du Lieure.

SONET

VN Mastin de si pres vn Regnard auisoit,
Qu’il n’eust sceu eschapper, parquoy il se vint rendre
A lui, le suppliant de ne le vouloir prendre,
Et que pour lui manger sa chair pas ne duisoit.

Mais lui mo<abb>n</abb>strant vn Lieure, humbleme<abb>n</abb>t lui disoit:
Que la chair il auoit bien plus friande & tendre:
Or le lieure eschappé, vint le Renard reprendre,
Lui demandant, pourquoy à tort il l’accusoit.

Non fay, dit le Renard, mais plustost ie te prise:
Car ie dy que tu es d’vne nature exquise,
Et que ta chair beaucoup plus| que la mienne vaut.

Aucuns pour se garder, autres à tort accusent;
Puis feignans destre amis finement ils s’excusent:
Et pourueu qu’ils soient bien, des autres ne leur chaut.

E. VV.



[Bb1r]
Faux rapport est à craindre.

{ill}

<bt>Celuy qui parle ce qu’il sçait est iuge de Iustice, mais celuy qui ment il est tesmoing plein de fraude.</bt> <bv>Pro. 1.12.</bv>



[Bb1v]
95

Le Taureau, & la Souri.

SONET

De tel orgueil estoit enflé ce fier Taureau,
Qu’en force il n’estimoit vn autre à luy semblable,
Et lui sembloit aussi qu’il estoit indomtable,
Dont il en monstroit bien le signe à son museau.

Tandis qu’il distilloit cecy en son cerueau,
Vne Souri s’en vient (à lui non comparable)
Et mord bien fort au pied ce Taureau redoutable;
Puis s’en court en son trou, qui lui sert de Chasteau.

Ce cornu sautelant, de courroux & de rage,
Court pour la deuorer, d’vn furieux courage,
Mais il ne peut entrer au lieu ou elle estoit.

Pourtant ne faut il pas foible estimer la force
De quelconque ennemi, quand à nuire il s’efforce:
Le petit peut souuent nuire au grand, quel qu’il soit.

E. VV.



[Bb2r]
N’estimer l’ennemy trop foible

{ill}

<bt>Vien à moy & ie donneray tes chairs aux volailles du ciel & aux bestse de la terroe.</bt> <bv>Reg. 17.44.</bv>



[Bb2v]
96

Le Singe & le Renard

SONET

Le Singe au Renard vint, lui faire humble priere,
Qu’il lui veuille donner de sa queüe vne part,
Disant, qu’en ayant moins il seroit plus gaillard:
Aussy, qu’il lui feroit amitié singuliere.

Pour le mieux esmouuoir, lui monstroit son derriere
Tout nud, tout descouuert, faisant le papelard,
Afin qu’il fust couuert, mais le vilain Renard
Met, en le mesprisant, sa requeste en arriere:

Luy disant que la queüe en rien ne luy nuisoit
Et n’en voulait oster, car toute lui duisoit:
Voila comme vn vilain pour n’assister s’excuse.

Semblables au Renard (certes) trop de gens sont:
Car ayans bien de quoy, aux pauures bien ne font,
Tant auare desir les retient & abusé.

E. VV.



[Bb3r]
On doit vestir les nuds.

{ill}

<bt>Maintenant vostre abundance subvienne à leur indigence, à fin qu’aussi leur abondance soit pour vostre indigence, à ce qu’il ait équatité.</bt> <bv>2. Cor. 8.14.</bv>



[Bb3v]
97

Le Loup & la Teste d’homme.

SONET

VN Loup estant vn iour chez vn tailleur d’Images,
Vid vne teste d’homme ouurée exquisement:
Et apres l’auoir pris & tenu longuement,
Il en fut esbahy sur tous autres ouurages,

Tu passes en beauté (dit il) maints personnages,
Mais le principal poinct te defaut voirement:
C’est, qu’il n’y a en toy sens ny entendement,
Dont faire tu ne peux profitables vsages.

Pas n’est tant à priser la beauté d’humain corps,
Qu’apparoistre lon void seulement au dehors,
Que l’Esprit bien orné de sagesse & prudence,

Combien que l’homme soit d’exellente beauté,
Ne doit estre estimé, si prudence et bonté,
Ne sont auecque lui constante residence.

E. VV.



[Bb4r]
Beauté sans sens est peu.

{ill}

<bt>Mais tous hommes sont vains, esquels n’est point la science de Dieu & qui n’ont peu entendre celuy qui est par les choses qui sont veues estre bonnes, & en considerant les oeuures n’ont pas cogneu celuy qui estoit louurier.</bt> <bv>Sapien. 13.1.</bv>



[Bb4v]
98

Le cerf & la Brebis.

SONET
.
LE Cerf fit la Brebis deuant le Loup venir,
Et veut que promteme<abb>n</abb>t vn muy de bled luy paye,
Qu’elle me doit, dit il: dont la Brebis s’esmaye,
Disant: que de la dette elle n’a souuenir.

Le Loup dit, qu’il falloit pour de frais s’abstenir,
Que la Brebis payast. La paurette s’effraye.
Promet de satisfaire, & le Cerf s’en esgaye,
Pensant qu’elle deuoit sa promesse tenir.

Au iour pris le Cerf vint, cuidant auoir recette:
Mais la Brebis dit lors, en lui niant la dette,
Que promesse n’a lieu estant forcée ainsy.

Ainsi beaucop de gens font tort, par leur puissance,
Aux foibles, pour auoir de leurs biens iouissance:
Mais le foible peut bien tromper le fort aussy.

E. VV.



[Cc1r]
N’estre suiet à promesse forcee.

{ill}

<bt>Mensonge est mauuais blasme en l’homme, & sera continuellement en la bouche de ceux qui sont en discipline.</bt> <bv>Eccl. 20.25.</bv>



[Cc1v]
99

La Cheure & le ieune Loup.

SONET

VNe Cheure sortant de l’estable, s’en va
Seule au champ, où vn Loup tout ieune vint à elle,
Qui se prit à sucer le laict de sa mammelle:
Auquel vne saueur aggreable il trouua.

Ainsy, par vn long temps, d’icellui s’abbreuua:
Nonobstant toutefois, ne cherchoit que cautelle,
Pour la Cheure tromper: qui estoit si fidelle,
Qu’onques (le nourrissant) elle ne le greua.

Qua<abb>n</abb>d le loup deuint gra<abb>n</abb>d, la Cheure lors comme<abb>n</abb>ce
A craindre, & se garder: car au vray elle pense,
Qu’elle nourrit cellui, qui sa ruine veut.

C’est vne vertu grande, & aussy salutaire,
D’estre à son ennemy au besoin volontaire:
Mais il se faut garder de lui, le plus qu’on peut.

E. VV>



[Cc2r]
Faire bien á son ennemy.

{ill}

<bt>Pource aussy le Souuerain a les pecheurs en haine, & rendra vengeance aux meschans.</bt> <bv>Eccl. 12.6.</bv>



[Cc2v]
100

Le Chat & le Poulet.

SONET

A Vn Poulet s’en vint vn Chat malicieux,
Et le grippe tres bien, disant, que par droiture
Il auoit merité de souffrir la mort dure,
Pour la punition de son faict vicieux.

Car tu iuches, dit il, ie l’ay veu de mes yeux,
Sur ta mère & ta soeur: ô grande forfaiture!
Puis tu cries si haut durant la nuit obscure,
Que plusieurs en t’oyant deuiennent ennuyeux.

Le Poulet s’excusant, dit qu’à mal il ne pense,
Ains suit son naturel: mais, sans plus d’audience,
Le Chat le feit mourir, & delui se repeut.

Le meschant, qui d’autruy veut la mort ou do<abb>m</abb>mage,
S’il n’a par droit sur lui pour le nuire auantage,
Par force & à grand tort il le fera, s’il peut.

E. VV>



[Cc3r]
Ne chercher occasion de mal faire.

{ill}

<bt>Les parolles des meschans sont embuches au sang: mais la bouche des Iustes les deliuerera.</bt> <bv>Pro. 12.6.</bv>



[Cc3v]
101

Le vieil Chat et les Souris.

SONET.

CE Chat, pour son vieil aage, esta<abb>n</abb>t bien de foiblesse,
Ne sauoit plus courir, pour auoir promtement
Les Rats & les Souris à son commandement:
Qui auoient desia pris fort grande hardiesse.

Parquoy en s’auisant de nouuelle finesse,
Dans vne May s’en va mettre tout coyement,
Pour viure désormais vn peu plus aisément,
Laissant Rats & Souris s’abuser en liesse.

Ah! dit il, les voyant, bien ie vous tromperay,
Puis qu’approchez vous si pres, ie vous attrapperay,
Ainsy l’vn appres l’autre estoient pris en la place.

Necessité contraint, quand la force defaut,
De chercher le moyen comme aider il se faut:
Car souuent, comme on dit, Science Force passe.

E. VV.



[Cc4r]
Subtilité fait plus que force.

{ill}

<bt>L’homme fin voiant le mal s’est caché, les simples passans outre, ont soustenu les dommages.</bt> <bv>Pro. 27.12.</bv>



[Cc4v]
102

Le vieil chien & son Maistre.

SONET.

VN Chien estant venu a l’aage de vieillesse,
De son maistre souue<abb>n</abb>t des grands coups receuoit:
Pource que desormais plus chasser ne sçauoit
Ainsi q’uil auoit fait le temps de sa ieunesse.

Le Chien se voiant faire vne telle rudesse,
D’auoir quelque support son Seigneur il prioit:
Mais c’estoit bien en vain qu’abboiant il crioit
Car on n’eut pas pourtant esgard à sa foiblesse.

Ie voy bien dit alors, le miserable Chien,
Que s’est pour ton profit, si tu m’as fait du bien,
Mais i’en ay maintenant bien pauure recompense.

A plusieurs seruiteurs, tout ainsi en aduient,
Quand ils ne font plus rien, d’eux plus conte on ne tie<abb>n</abb>t:
Le seruice des grands n’est pas tel bien qu’on pense.

E. VV.



[Dd1r]
Amour faulse.

{ill}

<bt>Et le Roy Ioas n’auoit aucune souuenance de la misericorde, que Ioada pere de cestui auoit fait auecq lui.</bt> <bv>Paralip. 24.22.</bv>



[Dd1v]
103
Le laboureur & ses Chiens.

SONET.

L’Hyuer, vn Laboureur, ayant necessité,
Ses bestes, pour manger, l’vne apres l’autre il tue:
Voire mesme à la fin les boeufs de sa charrue,
Oubliant qu’il deuoit par eux estre assisté.

Ses Chiens tous estonnez de telle austerité,
Disoient: Si nostre maistre á tuer s’esuertue
Ceux dont il a besoin, à craindre est qu’il ne rue
De semblable façon sur nous sa cruauté.

Gardons nous donc en te<abb>m</abb>ps de sa main dangereuse,
Pour ne mourir ainsy d’vne morte malheureuse:
Souuent le bon seruice est mal recompensé.

Bien mal aux estrangers peut il estre amiable,
Qui mesme vers les siens se monstre impitoyable:
Pourtant, il faut fuir vn tel homme insensé.

E. VV.



[Dd2r]
Estre debonnaire aux siens.

{ill}

<bt>L’homme misericordieux fait bien à son ame, mais celuy qui est cruel, deboute aussy les prochains.</bt> <bv>Pro. 11.17.</bv>



[Dd2v]
104

L’Asne & ses trois maistres.

SONET

Comme vn pauure Asne estoit seruant vn Iardinier,
Qui le battoit, dit il, à Iupiter supplie.
Pour vn maistre nouueau, & que point il n’oublie
A lui en bailler vn, qui soit plus familier.

Iupiter aussi tost luy bailla vn Tuillier,
Qui sous pesants fardeaux de plus grands coups le lie.
Il prie de rechef, qu’à vn autre il l’allie:
Lors Iupiter lui baille vn Conroyeur grossier.

Cestui là ne faisoit que de coups le repaistre,
Dont l’Asne bien dolent d’auoir changé de Maistre,
Dit, que chez le premier tout le mieux il s’aimoit.

Qui est bien, par raison, & change à l’auenture,
Puis apres s’il endure vne peine plus dure,
Lors il prise cela que deuant il blamoit.

E. VV.



[Dd3r]
Tel cherche mieux qu’il trouue pire.

{ill}

<bt>Mais chemine ainsi que Dieu lui à departi chascun di ie comme le Seigneur l’appelle. Et ainsi i’ordonne en toutes les Eglises.</bt> <bv>Cor. 7.17.</bv>



[Dd3v]
105

L’asne, le Boeuf, la Mule & le Chameau.

SONET

L’Asne, le Boeuf, la Mule, & aussy le Chameau
Ensemble se plaignoient d’estre esclaue de l’ho<abb>m</abb>me:
Et mesme, qu’en ouurant de coups on les assomme:
Dont l’Asne s’est faché d’endurer tel fardeau.

Ie veux estre (dit il) pour vn plaisir nouueau,
De la Mule porté, sans plus trauailler comme
I’ay fait iusques icy. Or le Chameau en somme,
Et le Boeuf, pour manger, endurent ce fleau.

Qui est mis pour ouurer, oisif il ne doit estre,
Ains pour gaigner la vie à l’ouurage se mettre:
Dont l’Asne ne fait conte, & si veut bien manger.

Aucuns sont tant grossiers, qu’il ne sçauent rie<abb>n</abb> faire,
Fors laboureur la terre, & ne s’y veulent plaire,
Aimans mieux estre oisifs qu’à l’oeuure se ranger.

E. VV.



[Dd4r]
Trauailler pour manger.

{ill}

<bt>Tous ceux icy (manouuriers) ont eu esperance en leurs mains, & vn chascun est sage en son art.</bt> <bv>Eccl. 38.95.</bv>

<bt>Il ne se serront point sur le siege du Iuge.</bt> Eccle. 38.37.</bv>



[Dd4v]
106

Le Iongleur, le Singe, & le Marmot.

SONET.

POur attraper argent, ce Iongleur, assez sage,
Vn Singe et vn Marmot si bien apris auoit
A danser et sauter, comme faire il sauoit,
Qu’on prenoit grand plaisir à voir leur bastelage.

Vne femme enuiron estoit, d’assez ieune aage,
Ayant en son giron des noix, qu’elle cassoit:
Le Singe la voyant, ainsi comme il dansoit,
Droit à elle s’en va, pour y auoir partage.

Il prend le deuanteau, & cherche, le leuant,
Dont la femme eut plus peur, que de ioye deuant:
Mais croiez, qu’il y eut de tous belle risee.

Quand la personne aussy laisse son bon scauoir,
Et suit son naturel, pour son plaisir auoir,
Merueille ce n’est pas, s’elle en est mesprisee.

E.VV.



[Ee1r]
Nature va deuant science.

{ill}

<bt>Si l’Ethiopien peut muer sa peau, ou le Leopard ses diuerses couleurs, aussy pourrez vous bien faire, quand vous aurez aprins le mal.</bt> <bv>Ierem. 13.23.</bv>



[Ee1v]
107

L’Adolescent et l’Arondelle.

SONET.

VN ieune filz ayant tout son bien despendu,
N’auoit plus qu’vn habit, qui estoit sa vesture,
Voyant vne Arondelle avoler dauenture,
Iusques à sa chemise à le reste vendu.

L’Esté vient, pensoit il, ainsi lay i’entendu:
Mais contre son espoir reuint grande froidure,
Qui martela son corps d’vne force si dure,
Que dangoisse il en fut transi et morfondu.

Et regardant l’Aronde à demi (de froid) morte,
Ah! dit il, Cest par toy qu’auons doleur si forte:
Ta venue m’a fait croire trop tost l’Esté.

Celui qui en effect veut mettre quelque affaire,
Il y doit bien penser premier que de le faire:
On est souuent deceu par sa hastiueté.

E.VV.



[Ee2r]
Ne s’asseurer sur chose variable.

{ill}

<bt>Celuy qui rend maux pour biens, le mal ne se partira point de sa maison.</bt> <bv>Prouer. 17.13.</bv>



[Ee2v]
108

Le Cerf yure.

SONET.

ICi notable exemple, ô yvrongnes prenez
A ce Cerf, qui sautant apres sa beuuerie,
La iambe se rompit, par son yurongnerie,
Tombant parmy vn tronc: cecy bien retenez.

Il faisoit les goblets remplis de vin tous nets,
Quand son maistre appelloit aucune compagnie,
Mais il prit son malheur en telle vilainie,
Qu’onc depuis ne beut qu’eau, ainsi vous abstenez.

Ce Bacchus (desormais) ne veuillez plus ensuyure:
Car doux semble le boire auec quoi il enyure,
Mais le goust en deuient à la fin trop amer.

Certes yurognerie est vilaine et infame,
Elle gaste le corps, et si fait perdre l’ame:
Qui bien y penseroit, ne la deuroit aimer.

E. VV.



[Ee3r]
D’Iuro<abb>n</abb>gnerie vie<abb>n</abb>t peché, do<abb>m</abb>mage et honte.

{ill}

<bt>La fureur d’Iurognerie est l’offense de l’imprude<abb>n</abb>t, amoindrissant la force, et causant playes.</bt> <bv>Eccle. 31.38.</bv>



[Ee3v]
109

L’Oiseleur & la Perdrix.

SONET.

VNe perdrix estant par vn Oiseleur prise,
Prioit d’estre laschee & quelle ameneroit
De ses semblables tant en sa Ret, qu’il seroit
Content, et fort ioyeux d’auoir creu sa deuise.

Non, respond l’Oiseleur, hors tu ne seras mise,
Qui veut faire à autrui cela qu’il ne voudroit
Qu’à lui mesme fust fait, il merite (à bon droit)
D’estre pris au filez de sa mesme entreprise.

Puis donc que ie te tien maintenant en ma main,
Et sachant ton vouloir, sans attendre à demain,
La mort tu receuras, pour ton iuste salaire.

S’on punissoit ainsy, en chacune saison,
Celui qui entreprend de faire trahison,
Au traistres ce seroit vn exemple vulgaire.

E. VV.



[Ee4r]
Qui trahit il se nuit.

{ill}

<bt>Si tu possedes vn Ami, possede le en tentation, & ne te fie pas en lui de leger.</bt> <bv>Eccle. 6.7.</bv>



[Ee4v]
110

La Perdrix & les Cocqs.

SONET.

QVelque bon Laboureur vne Perdrix achette,
La porte à son maison, au Poulalier la met
Aupres des Coqs, & là vn murmurant cacquet
Auecq grands coups de becs lui tombent sur la teste.

Cela ne lui pleut pas, ny la place mal nette:
Mais peu de temps apres, de costume, il eschet,
Que les Coqs se battoient, dont sur le coeur lui chet,
Qu’elle se pouuoit bien de souffrir tenir preste.

Si ces Coqs (disoit elle) estans d’vn naturel,
Souuent l’vn contre l’autre ont debat si cruel,
Ie puis bien prendre en gre la peine que i’endure.

Ainsi faut il apprendre à porter doucement
La haine des peruers, qui coustumierement
Chargent autrui (á tort) de querelle & d’iniure.

E. VV.



[Ff1r]
Endurer, quand on ne peut mieux.

{ill}

<bt>Quand tu seras assis pour manger auec le Prince, considere diligemment les choses qui sont mises deuant toy.</bt> <bv>Pro. 23.1.</bv>



[Ff1v]
111

Le Laboureur & la Cicoigne.

SONET.

VN Rustaut pratiqueur, pour pre<abb>n</abb>dre Oyes et Grues,
Va tendre ses filets finement à couuert,
Pource qu’elles venoient manger son bled en verd:
It fit tant, qu’à la fin elles furent tenues.

Tandis qu’il attendoit des autres les venues,
Vne Cicoigne vint dans le filet ouuert,
Qui fut prise: & alors de priere se sert,
Pour pouuoir librement s’enuoler vers les nues.

Ie ne te fis (dit elle) onques dommage en rien,
Laisse moy donc aller. Tu mourras, aussy bien,
Respond le Laboureur, puis qu’icy ie te trouue.

On doit soigneusement des meschans s’estranger,
Craignant d’estre surpris auec eux au danger
De la punition, que Vengeance leur couue.

E. VV.



[Ff2r]
Les bons punis par les mauuais.

{ill}

<bt>Que misericorde & verité ne te délaissent point, environne les autour de ton col & les escripsés tables de ton coeur.</bt> <bv>Pro. 3.3.</bv>



[Ff2v]
112

La Brebis & Le Loup.

SONET.
CEste pauure Brebis estant du Loup chassee,
Fait tout ce qu’elle peut pour de lui eschapper.
Elle court si long temps, se gardant de chapper,
Que dans vne Chapelle ouuerte s’est lancee.

Puis dedans vn autre huis elle s’est auancee,
Et le Loup pas, à pas qui la pense happer,
Lui mesme au mesme lieu s’est venu attraper,
Animant contre lui sa poursuyte incensee.

Car de grande roideur si auant se fourra,
Qu’en tournant ferma l’huis, & dedans s’enserra,
Don plus à la Brebis de nuire il n’eut enuie.

Ces engouleurs aussy, qui tousiours voudroie<abb>n</abb>t bien.
Deuorer l’Innocent, & ne lui laisser rien,
Sont à la fin surpris de leur rage allouuie.

E. VV.



[Ff3r]
Les plus fins sont souuent rompetz.

{ill}

<bt>Et cet homme là contemploit, sans sonner mot, pour sçauoir si le Seigneur auoit donné bonheur à son voyage, ou non.</bt> <bv>Genes. 24.21.</bv>



[Ff3v]
113

Iuppiter & le Serpent.

SONET.

IVppiter celebrant vn conuiue excellent,
Y prie tous les Dieux, pour faire plus grand’feste:
Mesme de chacun genre y arriue vne beste,
Pour faire à ce grand Dieu quelque honneste present.

Vne Rose vermeille y porte le Serpent,
Et lui va presenter: mais Iuppiter reiette
Le donneur & le don, & des autres accepte
Tous les presents, desquels, il se tient fort content.

Apres il dit tout haut (faisant à tous entendre)
Que des mauuais ne faut iamais aucun don prendre:
Tel donne aucunefois, que c’est pour deceuoir.

Ainsy celui qui dresse au Seigneur sa priere,
Estant plein de malice, il est mis en arriere:
Ce n’est pas tel present que Dieu veut receuoir.

E. VV.



[Ff4r]
Ne prendre les dons des mauuais.

{ill}

<bt>Donne au Souuerain, selon ce qu’il t’a donné: & fay en bon oeil l’inuention de tes mains. Ne veuille point offrir mauuais dons: car il ne les receura point. Et ne t’adonne à faire sacrifice iniuste.</bt> <bv>Eccl. 35.10.12.13.</bv>



[Ff4v]
114

Iuppiter et la Mouche à miel.

SONET.

LA Mouche fit present de son miel amiable
Au puissant Iuppiter, lui priant humblement,
Que quiconque en viendroit prendre furtiuement,
Estant d’elle piqué, qu’il mourust miserable.

Iaçoit qu’à Iuppiter ce don fust aggreable,
Voyant son mauuais coeur, Ie veux tout autrement
(Dit il) que tu ne fais: car le mesme tourment
Qu’à autrui faire veux, te sera dommageable.

Quand de ton aguillon quelqu’un piqué auras,
S’il demeure en sa chair, sans doute tu mourras:
Car en ton aguillon consistera ta vie.

Priere à Dieu ne plait, faite d’vn mauuais coeur:
Et qui à son prochain porte haine ou rancueur,
Le mal tombe sur lui, quil a de faire enuie,

E. VV.



[Gg1r]
Requerir Dieu pour chose bonne.

{ill}

<bt>Et quand ses disciples, à scauoir Iaques et Iean virent cela, ils dirent: Seigneur veux tu que nous disions que le feu descende du Ciel et les consume.</bt> <bv>Luc. 9.52.</bv>



[Gg1v]
115

Le Cheual de guerre & la Truye.

SONET.

BIen orné de plumart, d’estriers, de bride, & selle,
Seul alloit à la guere vn Cheual courageux.
Vne Truye voyant que fort auantageux
Et hardy se monstroit, comme il passoit, l’appelle.

Helas, pauure Cheual, tu ten va (ce dit elle)
Metre en hazard de mort au combat outrageux.
Et toy, dit le Cheual, dans ce bourbier fangeux,
Penses tu là trouuer vne vie immortelle?

Tu ne vis que bien peu, puis on te met à mort
Sans gloire ny renom, & moy, par mon effort,
Moura<abb>n</abb>t pour mon Seigneur, i’obtien loz perdurable.

Beaucoup ne faisans rien, viuent co<abb>m</abb>me pourceaux,
Et mangent nonobstant les plus friands morceaux:
Et plusieurs, par leur faicts, cherche<abb>n</abb>t gloire ho<abb>n</abb>norable.

E. VV.



[Gg2r]
Mourir auec honneur pour ne viure auec honte.

{ill}

<bt>Adonc i’oui vne voix du Ciel, me disant: Bienheureux sont les morts qui meurent au Seigneur. Desormais (dit l’Esprit) qu’ils se reposent de leurs Labeurs, car leurs oeuures les suiuent.</bt> <bv>Apoc. 14.13.</bv>



[Gg2v]
116

L’Asne, chargé de bois, & le Cheual.

SONET.

LE pauure Asne estimoit vn Cheual bien heureux,
D’autant qu’on le tenoit en estat magnifique:
Et lui, qu’estant chargé, sans repos on le pique,
Dont il se reputoit beaucoup plus malheureux.

Or aduint qu’on mena ce Cheual vigoreux,
Bien armé de tout poinct, à quelque guerre inique.
L’Asne à confiderer diligemment s’applique,
Voyant domté cellui, qui mesme est rigoreux:

Ah! dit il, i’ayme mieux estre humble Asne à l’ouurage
Que Cheual à la guerre, auec vn fier courage,
Où il ne faut qu’vn coup pour y estre abbatu.

L’heur ne gist pas tousiours en richesse ou puissance:
Le pauure est plus heureux, quand il a suffisance,
Estant bien reuestu de constante vertu.

E. VV.



[Gg3r]
Ne s’estimer heureux selon le monde.

{ill}

<bt>Mieux vaut le patient que l’home fort, & celui qui domine sur son courage, vaut mieux que celuy qui conqueste les villes.</bt> <bv>Pro. 26.32.</bv>



[Gg3v]
117

Le Cheual & l’Asne.

SONET

VN superbe Cheual se promenant, sans quide,
Trouua soubz vn grand faiz vn pauure Asne baste:
Qui ne s’est du chemin pour le Cheual hasté,
Iaçoit qu’il fust orné d’estriers, de selle, & bride.

Pour peu, dit le Cheual à cet Asne stupide,
Te fouleroy-i’aux pieds: l’Asne alors de costé
Soudain (de peur) se mit. Apres, fut deputé
Ce Cheual (estant vieil) pour mener fange humide.

Son maistre auoit repris tout son braue ornement:
Don’t l’Asne le voyant traité si pauurement,
Et bien amy, dit il, d’ou vient ceste meschance?

Ainsi à l’orgueilleux communement aduient,
Qui ayant esté riche en fin pauure deuient,
Et par son arrogance est mis à non-chalance.

E. VV.



[Gg4r]
N’estre orgueilleux pour sa prospérité.

{ill}

<bt>Il a fait puissance par son bras: il a desconfit les orgueilleux en la pensee de leur coeur.</bt> <bv>Luc. 1.15.</bv>



[Gg4v]
118

Le Coq de Flandres & le Coq d’Inde.

SONET

EN Flandres fut vn Coq superbe, & fort ialoux,
Qui en se promenant, & brauant au possible,
Rencontra vn Coq d’Inde, amiable & paisible,
Dont il fut tout esmeu, & troublé de courroux.

Aux poules & poulets le Coq d’Inde estoit doux,
Et conuersoit auec sans leur estre nuisible,
Mais le Flandrois lui fit vn combat si terrible,
Que les poules n’osoient approcher pour les coups.

Le Coq d’Inde voyant qu’e<abb>n</abb> paix n’eust sceu là estre,
Va chercher autre lieu, pour en repos se mettre,
Estimant bien heureux, qui est en sa maison.

Aucuns sont si peruers, & si chargez d’enuie,
Qu’vn Estranger ne peut chez eux gaigner sa vie,
Tant ils sont estrangez d’equitable raison.

E. VV.



[Hh1r]
Ne fouler l’estranger.

{ill}

<bt>Si aucun estranger habite en vostre terre & demeure entre vous, vous ne luy reprocherez point.</bt> <bv>Leuit. 19.33.</bv>



[Hh1v]
119

Le Milan malade.

SONET

COmme vn Milan estoit au lict tout languissant,
Pour le mal qu’il sentoit, il appelle sa mere:
A laquelle il a dit, auec douleur amere,
Qu’elle priast pour luy au Seigneur tout puissant.

I’ay besoin de santé, dit il en gemissant.
Mais sa mere, respond d’vne voix bien seuere,
Dieu (dit elle) punit cil qui ne le reuere,
Et qui n’est à sa Loy fidele obeisant.

Or tu l’as contemné, & commis grande offense,
Les Temples violant: pourtant donques ne pense
Que Dieu face mercy, quand on l’offense ainsy.

Qui Dieu ne reconoit, en toute reuerence,
Des bien-faicts qu’il reçoit en la conualescence,
Dieu le delaisse aussy en son triste soucy.

E. VV.



[Hh2r]
Il fault loüer Dieu en tout temps.

{ill}

<bt>Si iay regardé iniquité en mon coeur, le Seigneur ne m’exaucera point.</bt> Psal. 95.18.</bv>



[Hh2v]
120

L’Austruche & le Rossignol.

SONET

L’Austruche se vantoit de son braue plumage,
Et le Rossignolet de son chant gringoteux.
Ensemble debatans, vouloient auoir tous deux
Sur tous autres Oiseaux de l’honneur l’auantage.

Mes plumes (dit l’Austruche) apporte<abb>n</abb>t gra<abb>n</abb>d gaignage
Pour seruir d’ornement aux hommes genereux.
Et (dit le Rossignol) par mon chant doucereux,
Aux Amans langoureux i’esueille le courage.

Ton plumage (dit il) n’est qu’amorce d’orgueil.
L’Austruche, à ce propos, engendrant quelque dueil,
Se teut: Lors, en chautant, le Rossignol s’en vole.

Aucuns estans doüez de faconde ou, beauté,
S’estiment les premiers d’une Communauté
Par estre trop enflez d’une arrogance fole.

E. VV.



[Hh3r]
Vn chacun prise sa marchaudise.

{ill}

<bt>Car qui est ce qui te met en reputation? & qu’est ce que tu as que tu n’ayes receu? pourquoy t’en glorifiés tu, co<abb>m</abb>me si tu ne l’auois point receu?</bt> <bv>Cor. 4.7.</bv>



[Hh3v]
121

La vieille Cigoigne.

SONET

AV monde n’est Oiseau qui ait vn tel souci
D’esleuer ses petits, d’vn amour fauorable,
Que la Cigoigne fait, tant elle est pitoiable,
Comme en les nourrissant bien elle monstre aussi.

Car si soigneux deuoir elle fait en ceci,
Qu’à ses ieunes en laisse exemple memorable,
Pour bien se souuenir à faire le semblable,
Et qu’on doit au besoin s’aider l’vn l’autre ainsi,

Les ieunes retenans l’amiable nature
De leur pere & leur mere, ils prenent aussi cure
A les entretenir, quand en vieillesse ils sont.

La personne doit bien faire toute assistence
A pere & mere, alors qu’ils en ont indigence,
Veu que des Oiseaux (mesme) à leurs parens le font.

E. VV.



[Hh4r]
On doit aider à pere & mere.

{ill}

<bt>Le pere du iuste se resiouit de ioye: & celuy qui a engendré le sage se resiouira en iceluy.</bt> <bv>Pro. 23.24.</bv>



[Hh4v]
122

L’Asne chargé de viande & breuuage

SONET.

CE pauure Asne chargé de bonne nourriture,
Tant boire que manger, se crauante à porter
Pour en nourrir autruy: mais pour se sustenter,
De chardons & d’eau paist sa seruile nature.

Vn Pinse-maille aussy, qui prend peine si dure,
Sans aise ne repos, pour ses biens augmenter,
En quel plaisir luy peut son deuoir proufiter,
Veu qu’auec ses grands biens pauureté il endure?

On void communement qu’il en aduient ainsi,
Qu’un tel est si chagrin, & si plein de souci,
Que de son propre bien n’a plaisir ne seruice.

Et peut estre vn Prodigue à la fin jouyra
De ce qu’à grand trauail amassé il aura:
Voila le plaisant fruit de la serue Auarice.

E. VV.



[Ii1r]
Il faut s’aider du sien.

{ill}

L’homme à qui Dieu a donné richesses & cheuance & honneur, & n’y a rien qui defaille à son ame de toutes les choses qu’elle desire: & toutefois Dieu ne luy a pas donné puissance d’e<abb>n</abb> pouuoir manger: mais vn ho<abb>m</abb>me estrange le deuorera: ceste chose est vanité, & tres grande misere.</bt> <bv>Eccl. 6.2.</bv>




[Ii1v]
123

Le Cigne & la Cigoigne.

SONET.

QVand le Cygne se void approcher de sa mort,
Il se met à chanter d’vne vois non-pareille:
Don’t la Cigoigne estant esbahie à merueille,
Lui demande pour quoi il s’esioüit si fort.

Ce n’est (dit-il) en vain que ie pren reconfort,
Et ne faut ia pourtant que nul s’en esmerveille,
Car ie sen mon repos qui prochain s’appareille,
Pour me tirer d’vn lieu comblé de desconfort.

I’ay esté en peril tout le temps de ma vie,
Laquelle n’a esté qu’a trauail asseruie,
Et maintenant la mort finira mes trauaux.

Ainsi se doit tousiours preparer la personne
A volontiers mourir, quand le Seigneur l’ordonne:
Car tant plus elle vit, plus elle fait de maux.

E. VV.



[Ii2r]
Mourir volontiers.

{ill}

<bt>Le meschant sera debouté pour sa malice: mais le iuste a espoir en sa mort.</bt> <bv>Pro. 14.32.



[Ii2v]
124

L’Oiseau Phoenix.

SONET.

Le seul Oiseau Phoenix, à la fin de sa vie,
Apres auoir vescu six cens & soixante ans,
Vn arbre va choisir, quand il sait qu’il est tans,
Aupres d’vne fontaine, à fin qu’il y desuie.

Où pour faire son nid, tel qu’il en a enuie,
Casse branches d’encens, & rameaux bien sentans,
Et autres odeurs prend, à luy se presentans,
Dedans son beau pays de l’heureuse Arabie.

De ses aesles apres son nid il bat si fort
Au soleil, qu’il se brule: puis de ses cendres sort
Vn Ver, qui en Phoenix apres se renouuelle.

Cecy peut demonstrer, que Iesus s’est offert
A son Pere, en son temps: puis ayant mort souffert,
Sa Resurrection nous rend vie nouuelle.

E. VV.



[Ii3r]
Qua<abb>n</abb>d Jeunesse defaut plus aua<abb>n</abb>t pe<abb>n</abb>ser faut.

{ill}

<bt>A sçauoir que vous ostiez le vieil homme, quant à la conuersation precedente, lequel se corompt par les concupiscences qui seduisent.</bt> <bv>Eph. 4.22.</bv>



[Ii3v]
125

Epilogue de ce Liure.

SONET.

Aimez Iustice, vous, qui la terre iugez
Et si vous abondez en richesse mondaine,
N’y mettez vostre coeur: mais fuyant chose vaine,
Faites droit deuant Dieu, aidant les affligez.

Et imitant le bien, du mal vous estrangez:
Car, ainsi comme dit la bonté souueraine,
Le iuste fleurira (sa parole est certaine)
Comme la Palme fait: en ce vous soulagez.

Exercez donc iustice, & ce qu’elle commande,
Rendant à vn chascun le droit qu’il vous demande,
Et vous serez de Dieu & des hommes amis.

Pour exemple suiuez la Cigoigne amiable,
Qui d’vn droit naturel, certes bien admirable,
De son nid tous les ans disme vn de ses petis.

E. VV.



[Kk1r]
Faire droit à chascun.

{ill}

<bt>Crain Dieu, & garde ses commandemens: car c’est le tout de l’homme.</bt> <bv>Eccl. 12.d.</bv>



[Kk1v]
TABLE DES ANIMAUX CONFABVLANTS.

[Kk1va]
A.
Abeilles et Ours. 73.
Adolescent et Arondelle 107.
Aigle et Limaçon 85.
Aigle et Corbeau 50.
Aigle et Renarde 29.
Aigneau et Loup 32.
Aigneau, Loup et Bouc 70.
Amis et Ours 30.
Aquilon et Phoebus 13.
Arondelle et Adolescent 107.
Asne, Boeuf, Mule et Chameau 105.
Asne chargé de bois 116.
Asne chargé de viande 122
Asne et Cheual 35. 65. 117.
Asne et Chien. 31.
Asne et Lion 4.
Asne et ses trois maistres 104
Asne, Regnard et Lion 90
Asne et Sanglier 52.
Aubereau et autres oyseaux 68.
Austruche et Rossignol 120.
B.
Basilique et Belette 6.
Belier et Taureau 79.
Berger et Loup. 17.
Bestes et Lion 60.
Bestes et Oyseaux 53.
Boeuf et Chien 34
Boeufs et Cerf 59.
Boeuf et Genisse 48.
Boeuf et Grenoüille 38.
Boeuf, Mule, Chameau et Asne 105.
Bouc Aigneau et Loup 70.
Bouc et Regnard. 42.
Brebis et Cerf 98
Brebis et Corbeau 27.
Brebis et Loup 61. 112.
Brebis et Loups 11.
Buzart et corneille 49
C.
Cerf et Boeufs 59.
Cerf et Brebis 98.
Cerf et Cheual 41.
Cerf mirant 39.
Cerf yure 108.
[Kk1vb]
C.
Chameleon 78.
Chameau, Mule, Boeuf et Asne 105.
Chartrier et Cheual 1.
Chat et Poulet 100.
Chat et Singe 64.
Chat et vieille Soury 101.
Chats et Regnard 23
Chesne et Orme 3.
Cheual et Chartrier 1.
Cheual et Asne 35. 65. 117.
Cheual et Cerf 41.
Cheual et Lion. 8.
Cheual et Truye 115.
Cheureau et Loup 55.
Cheure et ieune Loup 99.
Chien et Asne 31.
Chien et Boeuf 34
Chien et Larron 33
Chien vieil et son Maistre 102.
Chien et Mareschal 66.
Chien et vmbre. 56.
Chiens et Laboureur 103.
Cigale et Fourmy 14.
Cigne et Gigoigne 123
Cigoigne enuieilly 121
Cigoigne et Laboureur 111
Cocq et Diamant 51.
Cocq de flandre et d’Inde 118.
Cocqs et Perdrix 110.
Colombes et Espreuier 40.
Corbeau et Aigle 50.
Corbeau et Brebis 27.
Corbeau et Regnard 36.
Corbeau et Scorpion 74.
Corneille et Buzart 49.
Coucou et Escoufle 86.
Couleuure et rustique 88.
D.
Diamant et Cocq 51
Dieu de bois et homme 22.
Dragon et Elephant 72
E.
Elephant et Dragon 72
Escoufle et Coucon 86.
[Kk2r]
[Kk2ra]
Escreuisses marines 25
Espreuier et colombes 40.
F.
Femme et Geline 19.
Forest et Paisant 57.
Fourmy et Cigale 14.
Fourmy et Mousche 71.
Fresne et Roseau 16.
G.
Gay desguise 58.
Geline et femme 19
Genisse et Boeuf 48.
Grenoüille et Boeuf 38.
Grenoüilles et leur Roy 54
Grenoúille et Soury 37.
Grué et Loup 15.
Grué et Regnard 9.
H.
Herisson et Loup. 76.
Herisson et Serpent 77.
Homme et Idole 22.
Homme et Lion 89.
Homme et mort 5.
I.
Iongleur, Singe et Marmot 106
Iuppiter et Grenoüilles 54
Iuppiter et Mousche à miel 114.
Iuppiter et Serpent 113.
L.
Laboureur et ses Chiens 103.
Laboureur et Cigoigne 111.
Laboureur et Soury. 81.
Larron et Chien 33.
Lieures craignants 62.
Lieure et Regnard 94.
Lieure et Tortuë 26.
Limaçon et Aigle 85.
Lime et Serpent 24.
Lion et asne 4.
Lion et Bestes 60.
Lion et Cheual. 8.
Lion enueilly. 69.
Lion et homme 89.
Lion et Ours 43.
Lion et Rat 12.
Lion et Regnard. 2. 91.
Lion, Regnard et Asne. 90.
[Kk2rb]
Lion, Sanglier et Vaultour 92.
Loup et Aigneau 32.
Loup, Aigneau et Bouc 70.
Loup et Berger 17.
Loup et Brebis. 61. 112.
Loup en habit de Brebis 75.
Loup et Cheureau 55.
Loup ieune et Cheure 99
Loup et Gruë 15.
Loup et Herisson 76.
Loup et Mouton 21.
Loup et Regnard 93
Loup et Teste d’homme 97.
Loup et Truye 18.
Loup et Brebis 11.
M.
Maistres et Asne 104.
Maistre et Chien 102.
Mareschal et Chien 66.
Marmot, Iongleur et Singe 106.
Milan malade 119.
Milan et Rossignol 87.
Montaigne et Soury 46.
Mort et homme 5.
Mousche et Fourmy 71.
Mousche à miel et Iuppiter 114.
Mousches et Regnard 28.
Mouton et Loup 21.
Mule superbe. 20.
Mule, Chameau, Boeuf et Asne 105.
O.
Oiseaux et Bestes 53.
Oiseaux et Haubereau 98.
Oiseaux et Paon, 47.
Oiseleur et Perdrix 109.
Oiseleur et Tourtre 45.
Oiseleur et Pinson 82.
Orme et Chesne 3.
Ours et Amis 30.
Ours et Abeilles 70
Ours et Lion, 43.
Ouytre et Rat 84,
P.
Paisant et Forest 57.
Paisant et satyre. 83.
Paon et Oyseaux 47.
Paon et Rossignol 10.
[Kk2v]
[Kk2va]
Perdrix & Oiseleur 109.
Perdrix & Cocqs 100
Phaebus & Aquilon 13.
Phoenix vnique 124.
Pinson & Oiseleur 82.
Poule & Chat 110.
Poule & ses Poulsins 80.
R.
Rat et Lion 12.
Rat & Ouytre 84.
Regnard, Asne et Lion 90
Regnard et Bouc 42.
Regnard & Chats 23.
Regnard et Corbeau 36.
Regnard esqueüe 67.
Regnard et Grué 9.
Regnard et Lieure 94.
Regnard et Lion 2. 91.
Regnard et Loup. 93.
Regnard et Mousches 28.
Regnard et Raisins 63.
Regnard et Singe 96.
Regnarde et Aigle 29.
Roseau et Fresne 16.
Rossignol et Austruche 120.
Rossignol et Milan 87.
Rossignol et Paon 10.
Rustique et Couleuure 88.
[Kk2vb]
Sanglier et Asne 52.
Sanglier, Vaultour, & Lion 92.
Satyre et Paisant 83.
Scorpion et Corbeau 74
Serpent et Herisson 77.
Serpent et Iuppiter 113.
Serpent et Lime 24.
Singe et Chat 64.
Singe et ses Enfans 7.
Singe, Marmot et Iongleur 106.
Singe et Regnard 96.
Souri & Grenouille 37.
Soury et Laboureur. 81.
Soury et Montaigne 46.
Soury et Taureau 95.
Souris citadine et villageoise. 44.
Souris et vieil chat 101.
T.
Taureau et Belier 79.
Taureau et Soury 95.
Teste d’homme et Loup 97.
Tortue et Lieure 26.
Tourte et Oiseleur 45.
Truye et Cheual 115.
Truye et Loup. 18.
V.
Vaultour, Lion et Sanglier. 92.
Vmbre et Chien. 56.
[Kk2v]
TABLE DES TILTRES ET SENTENCES
approprièes aux Figures.
[Kk2va]
A
Amitiè feinte delaisse au besoing.
30.
Amour faulse 102.
Amour folle aux enfans. 7.
Arrogance renuersée 38.
Ayder autruy à son dommage 57.
B.
Beautè sans sens est peu.
97.
C.
Celuy qui chasse vn autre n’est mesme
à repos
41.
C’est sottise priser & despriser 39.
C’est tout que de se faire aymer 69.
Chascun peut faire recompense 12.
Confidence mal fondèe, 59.
[Kk2vb]
Conseil fraudulent 49.
Conseiller autruy pur son bien 67.
Croire de leger deçoit 42.
D.
Deffendre les innocens
80.
Demourer en sa vocation 31.
De se mesurer à son aune 50.
Desloyautè encourt infamie 53.
Des maux faut choisir le moindre 28.
Dissention des amis les fait proye aux
Estrangers
37.
Doubteuse delice & seure necessitè 44.
D’yurognerie vient peché, dommage
& honte
108.
[Kk3r]
[Kk3ra]
E.
Endurer quand on e peut mieux
110.
Estre debonnaire aux siens 103.
Estre sage au peril d’autruy 2.
Exercice aâidu vainc tout 26.
F.
Faire bien à son ennemy
99.
Faire bien par le mal d’autruy 90.
Faire droit à chacun 125.
Faire plus & ne dire tant 23.
Faux rapport est à craindre.
Feindre ne vouloir ce qu’o<abb>n</abb> ne peut avoir 63
Felicitè ou on se perd 48.
Flatterie deçoit le mal aduisè 36.
Frauder le Fraudeur 9.
Folle presomption. 52.
H.
Hardiesse pleine de honte
62.
I.
Il faut louer Dieu en tout temps
119.
Il faut s’aider du sien. 122.
Il ne fault contemner personne 29.
Il vaut mieux sel qu’a mauuaise
compaignie
77.
Iuste loyer de l’impiteux 35.
L
La faim sait mespriser la Ioye
88.
Le guetteur surprins 45
Le mal vilain d’ingratitude 15.
Le menteur perd le credit 17.
L’enuieux ne cerche qu’a nuire 34
Le Roy sert à defendre les bons &
punir les mauuais
47.
Le salut des subiects èst le pouuoir des
Princes
3.
Le superbe abatu. 16.
Le tiran n’est exempt de peine 72.
Les bons punis par les mauuais 111.
Les moqueurs sont mocquez 86.
Les plus fins sont souuent trompez 112.
Les simples aisement deceuz 11.
L’homme double de coeur est inconstant
en ses voyes
78.
L’innocent opprimè en droit 61.
Lobeissa<abb>n</abb>ce aux bo<abb>n</abb>s pare<abb>n</abb>s preserue de mort 55
[Kk3rb]
M.
Mesme faire & enseigner
25,
Mourir auec honneur por ne viure
auec honte
115.
Mourir voluntiers 123.
N.
N’affiger aucun sans deffence.
27
N’attendre à faire bien à force 22.
Nature passe science 106
Ne cercher occasion de mal faire 100,
Ne cercher son malheur 73.
Ne croire legerement 83.
Ne delaisser le seur pour l’incertain 56.
Ne fouler l’estranger 118.
Ne nuire autruy pour son proffit 64.
Ne prendre les dons des mauuais 113
Ne regarder à l’apparence 21.
Ne rendre mal pour bien 88.
Ne requerir ayde aux Tyrans 40.
Ne sçauoir vser de richesse 51.
Ne s’asseurer sur chose variable 107.
Ne se fier à lennemy 76.
Ne se fier point au feint amy 18.
Ne s’esiouir trop tost 92.
Ne se prendre pas à son maistre 24
Ne s’estimer heureux selon de monde 116,
N’estimer l’ennemy trop foible 95.
N’estre bragueur du bien d’autruy 58.
N’estre enuieux du bien dautruy 93.
N’estre orgueilleux pour sa prosperitè 117.
N’estre subiect à promesse forcée 98.
N’irriter son plus fort 4.
O.
On cognoit à loeuure l’ouurier
20.
On cognoit l’amy au besoin 81.
On cognoit l’arbre au fruit 75.
On doit ayder à Pere & Mere 121.
On doit vestir les nuds 96.
P.
Perdre par trop desirer
19.
Plus peut douceur que rigueur 13.
Poison dedans le sucre 68.
Poure et piteux soulagement 65.
Preferer profit à plaisir 71.
[Kk3v]
[Kk3va]
Q.
Quand ieunesse defaut plus auant
penser faut
124.
Qui est bien ne se bouge 84.
Qui ne trauaille ne mange auâi. 66.
Qui promet doit 85.
Qui refuse apres muse 82.
Qui reiette vn bon Prince en reçoit
vn mauuais
54.
Qui se vange il endure 54
Qui trahit il se nuict 109.
R.
Requerir Dieu pour chose bonne
114.
S.
Sagesse contre astuce
8.
S’appriuoiser prudentement 91.
Se cognoistre soy mesme 79.
Se contenter de sa grace 10.
[Kk3vb]
Se deffendre de conseil & force 6.
Se tenir auec ses pareils 60.
Subtilitè fait plus que force 101.
T.
Tel appelle la mort qui point ne la desire
5
Tel cerche mieux, qui trouue pire 104.
Tel se vante qui se trompe 89.
Tousiours le meschant cerche à nuire 32.
Tous peuuent seruir au besoin 43.
Tout ce qui reluit n’est pas or 46.
Trauailler pour manger 105
V.
Vigilance à assez & parasse def-
faut
14.
Vn chacun prise sa marchandise 120.
Vraye fidelite cerche le proffit de son mai-
stre
33.
Voy bien auec qui tu te mets 70.
[Kk3v]
Fautes & corrections.

Le premier nombre denote le feüillet, & le second la ligne.

Au second huytain, au vers 5. pour Cil, lis S’il. au 3. huytain vers .1. pour viens lis viença. au dernier, vers 5. pour l’ennuy lis l’enuy. vers 8. pour fait tout, lis fait pas tout 7.9. pour grande, lis. grand. 8.2. pour la à lis à la. 17.7. pour Truye pleine lis Truye fort pleyne. 18.2. pour fa, lis sa. 19.5. pour ia, lis ie. 26 au Tiltre, pour du Brebis, lis de la Brebis. 27.11. pour plus nuire, lis bien plus nuire. 41.5. pour corage lis courage. 53. 7. pour nous voulons, lis, nous ne volulons 53.11. pour paisiblè, lis paissible. 80.5. pour soffloit, lis souffloit. 82.6. pour escuelle pleyne, lis, escuelle assez pleyne. 82.8. pour que, lis qui. 86. au Tiltre pour pomet, lis promet, 90.11. pour mallaise, lis malaise. 93. au Tiltre pour enuieux. 100.8. pour laisant, lis laissant. 109.2. pour son maison, lis sa maison. 110.4. pour It fit, lis Et fit. 211,11. pour don, lis dont, 112. au Tiltre pour rompets, lis trompez. 119.11. pour chautant, lis chantant.

A. ANVERS.
Chez Gerard Smits, pour Philippe Galle.